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Explorer les profondeurs glacées de l’océan

Une installation de la Memorial University of Newfoundland pompe directement vers ses laboratoires l’eau froide de l’océan profond, permettant aux chercheurs d’étudier les organismes qui y vivent.
Par
Eric Harris
Établissement(s)
Memorial University of Newfoundland
Sujet(s)
Océanographie
Un bâtiment en bois semblable à un bateau, muni de hublots ronds se dresse sur un littoral; le rivage opposé est couvert de brouillard.

Le bâtiment dont la façade comporte trois cercles en bois (ci-dessus) est la Cold-Ocean Deep-Sea Research Facility, un nouveau laboratoire du Ocean Sciences Centre, situé sur le littoral rocheux de Terre-Neuve, au nord de St. John’s. Exploitée par le département des sciences de la mer de la Memorial University of Newfoundland, et construite grâce au financement de la Fondation canadienne pour l’innovation, l’installation a été entièrement conçue pour l’étude de la biologie particulière des organismes vivant dans l’océan profond, celle des maladies infectieuses chez les espèces aquatiques et les organismes envahissants. L’installation contient un laboratoire de niveau de confinement 3 servant à l’analyse des pathogènes chez les animaux aquatiques, particulièrement les bactéries et les virus qui s’attaquent aux espèces aquacoles.

L’installation de recherche a également été conçue pour se fondre dans le paysage : le revêtement de bois vieilli lui donne un air nautique et agréablement rustique. Ses concepteurs (architectes, ingénieurs et aquaculteurs) étaient en majorité des Canadiens. Faisant partie du Ocean Sciences Centre, l’installation relie The Annex (à gauche) et le Joe Brown Aquatic Research Building (à droite).

Mention de source pour toutes les photos : David Howells


Vue d'un océan depuis la côte.

Station de pompage

Sur la côte accidentée, une passerelle supportée par des poutres mène à un amas rocheux où se trouve une enceinte de béton qui dissimule les pompes et la tuyauterie, installées à 3,5 mètres de profondeur. Le puits de la station de pompage, une cuve qui s’enfonce à encore 13 mètres, emmagasine l’eau froide provenant de l’océan profond, qui sera envoyée telle quelle aux laboratoires de l’installation de recherche situés 100 mètres plus loin. Ce système de prise d’eau océanique a été particulièrement difficile à concevoir et à construire. Aucun tuyau ne longe le fond marin. En revanche – et il s’agit d’une première à Terre-Neuve –, un conduit directionnel a été foré dans la roche fracturée sous le plancher océanique. Ce conduit sort du fond marin à un point situé à 37 mètres de profondeur, à quelque 300 mètres de la pointe de terre la plus avancée. La foreuse a commencé son travail dans le terrain de stationnement du Ocean Sciences Centre, est passée sous les installations existantes et a ressurgi environ 600 mètres plus loin.


Système de tuyaux à l'intérieur d'une installation de recherche.

Plomberie de précision

Les chercheurs de l’installation utilisent différents types d’eau. Les tuyaux acheminent de l’« eau de mer profonde à température ambiante », de l’« eau de mer profonde chauffée », de l’« eau retenue ozonisée » et de l’« eau de puits à température ambiante ». L’eau acheminée est traitée par rayonnement ultraviolet dans des récipients d’acier inoxydable, ce qui empêche les agents pathogènes naturels de se rendre dans la zone de confinement. De diligents spécialistes de la qualité de l’eau voient à la surveillance, à la gestion et à l’entretien du labyrinthe de tuyaux, afin que l’eau circule aux endroits voulus.


Pièce en béton remplie de cuves vert foncé.

Laboratoire sur la résistance aux maladies

Conçus pour imiter la nature, deux laboratoires de résistance aux maladies situés dans la zone de confinement de niveau 3 de l’installation contiennent chacun six cuves d’une capacité de 500 litres destinées à l’étude des animaux aquatiques. Ici, les scientifiques peuvent exposer des saumons, des truites et d’autres animaux à des agents pathogènes vivants et observer le cycle de vie complet des microorganismes qui transportent les maladies, du premier contact avec l’hôte jusqu’à la mort de ce dernier. En exposant des espèces aquatiques saines à des agents pathogènes connus dans un environnement contrôlé, les chercheurs font d’intéressantes découvertes sur la physiologie de base, la structure des tissus, la réponse du système immunitaire et l’expression génique. Ils peuvent par exemple étudier certains agents pathogènes qui menacent l’industrie de l’aquaculture ainsi que les effets des vaccins et des suppléments alimentaires.

Puisqu’il s’agit d’un niveau de confinement 3, les chercheurs doivent changer tous leurs vêtements de dessus (blouse, sarrau, chaussures, bonnet) avant d’entrer dans une antichambre aux portes à verrouillage réciproque, qui scelle l’espace de confinement. Ils n’ont pas besoin de porter une combinaison de protection biologique. L’éclairage programmé s’atténue et s’intensifie de manière à reproduire les cycles naturels, et des conduites d’eau distinctes acheminent aux cuves de l’eau de mer et de l’eau douce, chauffée ou à température ambiante. Les autopsies, les dissections et les chirurgies sont réalisées sur la surface en acier inoxydable.


Pièce en béton avec des panneaux lumineux et une table blanche à roulettes.

Laboratoire sur les espèces envahissantes

Il manque quelque chose sur les étagères de ce laboratoire : des aquariums. Cette salle de la zone de confinement de niveau 3 est parfaite pour accueillir des espèces envahissantes, un autre domaine d’étude de l’installation de recherche. En effet, des crabes et d’autres espèces qui ne sont pas indigènes de l’océan Atlantique Nord ont migré dans ses eaux. Ici, les chercheurs peuvent les étudier sans risquer de relâcher les animaux ou leurs larves dans l’océan et d’accroitre leur dissémination. Un réseau complexe de canalisation achemine l’eau de mer et l’eau douce dans les laboratoires.


Deux étagères sur lesquelles sont posés des récipients en plastique remplis d'un liquide bleu.

Réseaux de bacs

On trouve des réseaux de bacs-aquariums partout dans l’installation de recherche, à l’intérieur comme à l’extérieur de la zone de confinement. L’eau de mer naturelle et le plancton peuvent circuler dans un maximum de 24 bacs d’élevage à la fois ou être confinés à un seul, ce qui donne souplesse et contrôle aux chercheurs. Ces derniers peuvent régler la température de l’eau selon qu’ils étudient des espèces tropicales ou nordiques, ou la modifier rapidement de manière à simuler un choc thermique. Ils peuvent aussi faire varier les taux d’oxygène dissout et mêler de l’eau filtrée et recyclée à l’eau de mer naturelle. Un système d’éclairage à DEL illumine chaque bac.

La possibilité d’ouvrir un robinet pour faire couler de l’eau naturelle provenant de l’océan profond est une caractéristique qui rend unique au Canada le Ocean Sciences Centre de la Memorial University. Les autres laboratoires d’études aquatiques recyclent l’eau de mer, en font venir du Ocean Sciences Centre ou utilisent un produit nommé Instant Ocean, un mélange de sel marin et d’autres composants qu’il faut mélanger à l’eau douce.


Réservoir métallique placé sous un projecteur dans une pièce sous-exposée.

Chambres de pression munies d’appareils photo

L’installation de recherche comporte des chambres conçues avec précision pour recréer la pression des profondeurs océaniques et permettre l’observation vidéo, en temps réel ou en accéléré, des espèces des grands fonds. Bon nombre de ces espèces sont bien adaptées aux pressions hydrostatiques écrasantes de l’océan profond, mais ne survivent pas lorsqu’elles se retrouvent au niveau de la mer. Certains animaux supportent mieux la remontée que d’autres, par exemple les invertébrés (étoiles de mer, oursins, crabes) par rapport aux poissons. Les organismes prélevés dans les profondeurs océaniques sont transportés vivants jusqu’à la chambre de pression. Grâce à un appareil photo numérique, plus précisément un endoscope comprenant une lumière, dirigé vers une fenêtre placée sur le dessus de la chambre, les chercheurs observent la biologie et le comportement des espèces. Ils peuvent faire circuler l’eau dans la chambre ou la rendre stagnante, utiliser de l’eau douce et installer les appareils dans des bateaux. Deux des chambres de pression de l’installation sont les septième et huitième du genre fabriquées au monde.


Gros plan sur un réservoir métallique ouvert.

Chambres de pression

Deux appareils d’une capacité de 19 litres reproduisent les conditions qui existent à 3000 mètres sous le niveau de la mer ou moins. Les scientifiques peuvent ainsi étudier à l’état vif les animaux qui vivent à ces profondeurs. Les chercheurs observent par exemple les effets des changements climatiques et de la pression sur les invertébrés des grandes profondeurs, comme les étoiles de mer et les oursins qui vivent dans la zone bathyale du talus continental canadien, située entre le plateau continental et la zone abyssale. Les chercheurs se servent également des chambres pour comparer la réaction d’espèces vivant en eau peu profonde avec celle d’espèces vivant en eau profonde, observer la fécondation des espèces et tester l’équipement conçu pour les profondeurs, comme des boitiers de caméra. Le réservoir central des chambres est relié par un manchon à des tuyaux d’éthylèneglycol qui permettent de varier la température de l’eau de 2 °C à 100 °C. Les organismes vivant en eau profonde à proximité des bouches hydrothermales, par exemple, survivent à de telles températures.


Infrastructure de recherche placée sous un projecteur dans une pièce sous-exposée.

Plus petite échelle, même pression

L’installation de recherche possède un système de chambres de pression à petite échelle composée d’appareils d’une capacité de 50 millilitres qui maintiennent l’eau à la même pression que si elle se trouvait à 3000 mètres sous le niveau de la mer. Grâce à ce système, les chercheurs peuvent placer de petits spécimens vivants (cellules, œufs, embryons, microorganismes) dans un environnement sous pression et les observer à l’aide de microscopes afin d’étudier, par exemple, la fécondation des espèces vivant dans l’océan profond et le développement de leurs larves.


Deux mains tenant une pièce métallique de l'infrastructure de recherche.

Chambre du microscope

Des fenêtres en glace saphir offrent une vue sur un monde de microorganismes vivants, visibles à l’aide de microscopes. L’eau des chambres de pression (plus haut) est conduite vers la chambre du microscope où elle peut être observée. Les chercheurs ont le choix de laisser les tubes en place pour que l’eau circule, ou de les débrancher pour que l’eau soit stagnante. Quoi qu’ils décident, la chambre maintient la pression voulue, jusqu’à un maximum de 300 bars, soit 30 000 kilopascals. Cette pression est très grande si on la compare, par exemple, à un pneu de voiture gonflé à 205 kPa. La glace saphir est résistante aux égratignures et transparente aux longueurs d’onde sur un spectre plus large que le spectre visible, soit de l’ultraviolet à l’infrarouge.


Gros plan d'un microscope dans une pièce sous-exposée.

Microscopie tridimensionnelle

En plus des laboratoires voués à l’étude des profondeurs océaniques et de la zone de confinement de niveau 3, l’installation de recherche contient de nombreux appareils de microscopie et d’analyse. Bien des créatures marines deviennent très transparentes lorsqu’on les éclaire de façon particulière. Il est ainsi possible d’observer, à l’aide d’un microscope confocal, de très minces tranches d’un spécimen rendues transparentes par une astucieuse combinaison de lumière laser et d’anticorps fluorescents. En effet, les substances contenues dans certains de ces anticorps émettent de la lumière lorsqu’elles sont touchées par un laser. Ces anticorps s’attachant à certaines protéines, les chercheurs peuvent repérer les protéines voulues dans une cellule, c’est-à-dire les identifier et voir où elles se trouvent. Il est par exemple possible d’illuminer seulement l’ADN ou les récepteurs des cellules. Un ordinateur combine les tranches pour produire des images tridimensionnelles des spécimens.


Infrastructure de recherche à l'intérieur d'une pièce blanche.

Station de traitement des effluents

Avant de renvoyer vers l’océan l’eau utilisée dans la zone de confinement de l’installation de recherche de la Memorial University, il faut la traiter. À la station de traitement des effluents, l’eau usée arrive dans le bac en bas à gauche, où des filtres à tambour retiennent les sédiments lourds, qui sont stérilisés dans un autoclave avant d’être éliminés. L’eau traverse ensuite des filtres à charbon (cuves vertes à l’arrière) et un rayonnement ultraviolet (cylindres argentés à gauche) avant de retourner vers l’océan.


Deux réservoirs en béton reliés par un système de tuyaux à l'intérieur d'une pièce blanche.

Cuves de filtration

L’une des étapes du traitement des effluents de l’installation de recherche consiste à faire passer l’eau usée dans des cuves de filtration avant de la renvoyer vers l’océan.


Vue d'un océan depuis la côte.

Étudier l’océan

Depuis longtemps reconnu comme chef de file de la recherche océanographique, le Ocean Sciences Centre de la Memorial University est perché sur un éperon rocheux au bout de la Marine Lab Road, à Logy Bay-Middle Cove-Outer Cove (Terre-Neuve-et-Labrador). La Cold-Ocean Deep-Sea Research Facility, ouverte depuis peu, est un ajout à la solide capacité du Centre.

Le bâtiment au toit courbé est le Joe Brown Aquatic Research Building, dont les grands réservoirs-viviers contiennent les poissons destinés à l’étude de l’aquaculture. Le bâtiment cylindrique est le bâtiment principal du Ocean Sciences Centre. Cet emplacement est idéal pour contempler les icebergs.