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Solidification des routes

Explosion de la demande pour un produit d’une entreprise manitobaine qui transforme les routes de gravier en surfaces lisses et durables
Par
Sharon Oosthoek
Établissement(s)
Brandon University
Province(s)
Manitoba
Sujet(s)
Sciences de la terre
Teaghan Wellman poses in front of a blurred background

Le Manitoba compte 67 000 kilomètres de routes non revêtues. C’est assez pour faire une fois et demie le tour de la Terre. C’est aussi 67 000 kilomètres de risques d’ornières, de nids de poule et de nuages de poussière géants.

Habitant le long d’une de ces routes tout près de Brandon, le professeur de géologie Hamid Mumin de l’Université de Brandon comprend bien le problème. Quand il a entendu parler de Cypher Environmental à un congrès du secteur minier, il a entrevu une solution.

Cypher produit EarthZyme, un catalyseur liquide qui, mélangé à l’argile, forme une surface solide et résistante aux dommages. Si l’entreprise établie à Winnipeg le vend partout dans le monde, c’est le partenariat avec M. Mumin et l’Université de Brandon qui en a propulsé l’utilisation dans la province, selon Teaghan Wellman, vice-présidente de la recherche et du développement chez Cypher.

« Ici, au Manitoba, les conditions météo sont évidemment très différentes d’ailleurs dans le monde, indique-t-elle. C’est une chose de dire que le produit fonctionne au Costa Rica ou en Chine, mais pour étendre cette affirmation à notre région et la confirmer, il nous fallait des données et des preuves locales. C’est grâce à elles que nous avons pu aller de l’avant avec notre innovation. »

En s’appuyant sur les études d’Hamid Mumin, qui démontrent comment EarthZyme fonctionne sous un climat froid, Cypher a vendu son produit au Manitoba, en Colombie-Britannique, en Alberta et aux Territoires du Nord-Ouest. L’entreprise vise maintenant le reste du pays.

Cypher a aussi accru la production dans son usine de 1 670 mètres carrés et fait passer son effectif de 20 à 25. Elle prévoit embaucher de deux à cinq autres employés dans la prochaine année.

« La rentabilisation est très rapide »

Hamid Mumin a démontré non seulement l’efficacité d’EarthZyme tant au Manitoba que dans les régions plus chaudes du globe, mais aussi la rentabilité du produit. Lui et son équipe l’ont récemment utilisé pour améliorer la surface d’un tronçon de cinq kilomètres d’un chemin de service en gravier parcouru chaque jour par des centaines de camions lourds, dans une carrière de la municipalité de Cornwallis, près de Brandon.

« Ils disent économiser 100 000 dollars par année en entretien, et il en a coûté 225 000 pour renforcer la route. La rentabilisation peut donc être très rapide, soutient le chercheur. Et plus les poids lourds circulent, meilleure est la route, car le compactage continu est bon pour le produit, mais pas du tout pour les chaussées asphaltées. »

Comment ça fonctionne?

Le catalyseur, mélange exclusif de composés non toxiques d’origine naturelle, favorise la liaison entre les particules d’argile et leur forte liaison à l’agrégat de la route.

« Notre produit contribue à accroître le compactage du sol, explique Mme Wellman. Plus le sol est compact, moins il y a d’espaces où l’eau peut pénétrer, geler et causer les craquelures qui sont à l’origine des crevasses, des ornières et des nids de poule. »

Là où le bât blesse, c’est qu’EarthZyme nécessite un certain type d’argile. Bien que l’on trouve le bon type au Manitoba (et dans la majorité du Canada), celui-ci n’entre généralement pas dans la composition de l’agrégat de gravier des routes locales.

On peut cependant envisager de l’ajouter à l’agrégat avant le resurfaçage. De fait, l’équipe de recherche de M. Mumin a élaboré des méthodes permettant d’utiliser le catalyseur de Cypher avec les mélanges d’agrégat et d’argile locaux pour refaire la surface de routes de gravier et obtenir des chaussées durables, considérablement plus résistantes aux dommages et beaucoup moins susceptibles de s’éroder en poussière.

Trouver le bon type d’argile

« Une bonne partie de notre travail consiste à tester les argiles pour vérifier qu’elles sont hautement cohésives », explique M. Mumin. De telles argiles se lient normalement à l’eau, mais si on y ajoute EarthZyme, elles se lieront entre elles et produiront une surface solide et autoréparatrice.

Dans des laboratoires financés par la Fondation canadienne pour l’innovation, le chercheur teste les caractéristiques de résistance et de compactage des argiles locales pour savoir lesquelles il est possible de manipuler pour créer les liaisons les plus solides.

On peut alors mélanger ces argiles avec un agrégat dans une carrière et transporter le mélange jusqu’à une route de gravier nivelée, où on le combine à EarthZyme. On étend ensuite le tout sur la route et on le compacte.

« Ce projet a pris plus d’ampleur que tout ce que j’ai réalisé auparavant, souligne le chercheur. L’intérêt de la population est incroyable. Je suppose que c’est parce que les gens comprennent le problème que nous tentons de résoudre. »