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Suivre les nutriments du champ à l’assiette

En comprenant de quelle manière les cultures absorbent les nutriments présents dans le sol, Xiaopeng Gao, agronome et expert en fertilité des sols à l’Université du Manitoba, entend aider les agriculteurs et agricultrices à augmenter le rendement et la qualité de leurs cultures céréalières, et ce, de manière plus durable.
Établissement(s)
Université du Manitoba
Province(s)
Manitoba

Aujourd’hui, les exploitations agricoles se heurtent à des défis de taille. Bon an mal an, elles doivent produire suffisamment d’aliments de haute qualité afin de nourrir une population mondiale grandissante. Il leur faut également s’adapter aux changements des saisons de croissance, de températures et de la configuration des pluies. Enfin, elles doivent continuer de produire des cultures sans dégrader la planète; tout cela en dégageant des profits.

Xiaopeng Gao est à pied d’œuvre. Ce chercheur de l’Université du Manitoba (en anglais seulement) et son équipe d’une demi-douzaine d’étudiantes et d’étudiants diplômés, examinent la manière dont les nutriments circulent dans le sol et les plantes. Cela comprend à la fois les macronutriments, comme l’azote nécessaire à la croissance des cultures, et les micronutriments, comme le fer et le zinc, essentiels à la santé humaine.

« Il s’agit de déterminer comment mieux gérer les nutriments présents dans le sol, tant pour ce qui est de la productivité ou de la protection de l’environnement que de l’amélioration du rendement économique de l’exploitation agricole », explique-t-il.

Tirer le meilleur parti des engrais azotés

La plupart des exploitations agricoles ont recours aux engrais pour améliorer la qualité et le rendement de leurs cultures. Il faut cependant veiller à ce que l’engrais soit bel et bien absorbé par la plante. En effet, si on en épand trop ou si le moment est mal choisi, l’azote peut être lessivé par les pluies ou transformé en oxyde nitreux, un puissant gaz à effet de serre, ce qui entraîne des pertes financières pour les agriculteurs et agricultrices en plus de nuire à l’environnement.

Pour étudier de quelle manière l’humidité du sol influe sur l’absorption des engrais azotés, Xiaopeng Gao s’est associé à l’agronome Ramona Mohr, chercheuse au Centre de recherche et de développement de Brandon d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. « Les conditions d’humidité du sol peuvent avoir des répercussions importantes sur la disponibilité de l’azote et le risque de perte d’azote, mais aussi sur l’efficacité avec laquelle la culture peut tirer parti de cet azote », explique Ramona Mohr.

C’est pourquoi la chercheuse et Xiaopeng Gao mènent des études sur le terrain et en milieu contrôlé, en plus de travaux de modélisation. Les résultats ainsi obtenus aideront les agriculteurs et agricultrices à cibler le moment opportun et le type d’engrais à appliquer en automne, en fonction des conditions existantes et des prévisions météorologiques saisonnières.

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Une meilleure gestion des nutriments pour une plus grande marge bénéficiaire

En 2022, le système agricole et agroalimentaire canadien employait 2,3 millions de personnes et générait 142,8 milliards de dollars du PIB du pays. Or, une gestion intelligente et intégrée des nutriments joue un rôle important dans la rentabilité du secteur.

En effet, les engrais représentent une dépense considérable, soit plus de 30 pour cent des coûts d’exploitation annuels des producteurs et productrices de céréales du Manitoba, selon les Lignes directrices du gouvernement du Manitoba pour estimer les coûts de production en 2025 (en anglais seulement).

« Une utilisation plus efficace des nutriments par les producteurs et productrices se traduit par une plus grande rentabilité sur le plan économique », explique Ramona Mohr, d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Suivre le déplacement des micronutriments

Dans le cadre d’un autre partenariat, Xiaopeng Gao et Martin Entz, phytologue également à l’Université du Manitoba, se penchent sur la manière dont l’agriculture biologique et diverses pratiques de rotation des cultures influent sur les concentrations de micronutriments dans le grain de blé.

L’équipe de Xiaopeng Gao met également au point différentes expériences afin de mieux comprendre comment les micronutriments se déplacent du sol aux racines de la plante. Pour ce faire, on ajoute un isotope de zinc dans le sol, ce qui permet de suivre le processus d’absorption par les racines.

L’équipe examine aussi dans quelle mesure les engrais à base de micronutriments pourraient améliorer la qualité nutritionnelle des cultures, une question peu étudiée, car les carences en micronutriments sont moins fréquentes que celles en macronutriments. En outre, elle étudie comment, s’il est présent en très grande quantité, le phytate, soit une forme de phosphore, se lie au fer et au zinc, nuisant à leur absorption lors de la consommation des céréales.

« Nous essayons d’établir un lien entre le sol et l’être humain, explique le chercheur. Il s’agit de la partie la plus novatrice et la plus passionnante de ce travail. »

Xiaopeng Gao se tient à côté d'une table de laboratoire où sont disposés des cylindres contenant des échantillons de sol.

 

Le financement de la FCI nous permet de mener des recherches novatrices, non seulement au Canada, mais dans le monde entier. Il y a très peu de personnes qui se penchent sur ces questions. »

– Xiaopeng Gao, Université du Manitoba

Décortiquer les effets des changements climatiques

Pour comprendre les effets des changements climatiques sur tous ces processus, Xiaopeng Gao mène des travaux de recherche dans une chambre de culture financée par la FCI. On peut non seulement y contrôler la température et le niveau d'humidité, mais aussi les concentrations de CO2. « Grâce à ces contrôles très précis, nous pouvons reproduire fidèlement les changements climatiques », explique le chercheur.

Ainsi, lui et son équipe cultivent des plantes dans des conditions bien définies à l’intérieur de cette chambre de culture. Une de leurs expériences vise à augmenter la concentration de CO2 et à réduire le niveau d’humidité afin de simuler un épisode de sécheresse; une autre, à reproduire une inondation et à étudier les effets d’un excès d’eau.

L’équipe de recherche prélève ensuite des échantillons de plantes à différentes étapes de leur croissance, les soumet à une digestion à haute température au moyen d’acides chimiques et les analyse afin de déterminer la répartition des micronutriments dans la plante en fonction de divers scénarios climatiques.

Pour une agriculture canadienne à la pointe du progrès

Ramona Mohr estime que de telles initiatives en matière d’agronomie sont cruciales pour le Canada, notamment en raison de l’arrivée sur le marché de nouvelles cultures et variétés ainsi que de l’évolution des processus agricoles et des conditions de croissance résultant des changements climatiques.

« Nous devons disposer d’une base de recherche solide qui oriente les pratiques mises en œuvre sur le terrain, et ce, non seulement afin de produire une culture de grande qualité au rendement élevé, mais aussi de faire en sorte que les exploitations agricoles y parviennent en demeurant rentables et économiquement viables et en préservant l’environnement », affirme Ramona Mohr.

Les travaux de recherche menés par Xiaopeng et son équipe sont importants. Nos systèmes de production agricole sont en constante évolution, et nous voulons nous assurer que nos pratiques de gestion des nutriments progressent au même rythme. » 

– Ramona Mohr, Centre de recherche et de développement de Brandon, Agriculture et Agroalimentaire Canada


Le projet de recherche présenté dans cet article est également financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.