Balado

Jan Rainey démêle le fil de l’histoire de la soie d'araignée

Le chercheur de l'Université Dalhousie cherche les moyens de créer des versions synthétiques de la soie d'araignée car cela pourrait participer de la guérison nerveuse et cardiaque.
Établissement(s)
Université Dalhousie
Province(s)
Nouvelle-Écosse

C’est lorsqu’il faisait un stage chez DuPont, alors qu’il était étudiant de premier cycle, que la curiosité du chercheur Jan Rainey pour les fibres synthétiques a été piquée. Des années plus tard, il entendait un collègue chercheur évoquer les étonnantes propriétés de la soie d'araignée. Aujourd’hui, il étudie donc les caractéristiques uniques en leur genre des fibres de cet animal, dans l'espoir de créer des versions synthétiques plus résistantes que le Kevlar – qui sert pourtant à commercialiser des gilets pare-balles! Il songe même à créer une fibre qui pourrait régénérer certaines parties de l’organisme. Laissez-vous capturer par cette histoire scientifique passionnante qui se déroule dans un laboratoire de biologie de pointe.

Temps d'écoute: 24 min. 26 sec.

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Illustration vectorielle comprenant un assortiment d'éléments liés à la recherche et à la communication, divisés par des formes rectangulaires rouges, blanches et bleues. Les mots "10 000 expérimentations" sont écrits en noir sur un fond blanc croche.
Vous souhaitez entendre d'autres chercheurs et chercheuses parler de ce qui suscite leur curiosité, de ce qui les pousse à persévérer et à réussir?

ANIMATEUR :

Bonjour. Je m'appelle Greg Pilsworth et je suis l'un des producteurs du balado 10 000 expérimentations.

Pour cet épisode, j'ai voulu demander à quelques collègues ce que le mot « araignée » leur évoquait.

(Début d’un morceau de musique)

PREMIÈRE COLLÈGUE :

Huit jambes.

Les films Marvel.

Je suis plus grande qu'elles.

ANIMATEUR :

Pour une autre collègue, les araignées n'ont rien de comique.

DEUXIÈME COLLÈGUE :

Je suis terrifiée par les araignées.

Je ne sais pas. Je ne peux pas regarder une araignée sans être effrayée.

ANIMATEUR :

Un de mes collègues n'était pas très confiant.

TROISIÈME COLLÈGUE :

Elles sont sournoises et ... elles vous tombent dessus quand vous vous y attendez le moins.

ANIMATEUR :

Ensuite, nous commençons à évoluer vers l'acceptation.

QUATRIÈME COLLÈGUE :

En fait, elles me conviennent et j'aime bien le fait qu'elles mangent d'autres insectes.

ANIMATEUR :

Et puis nous arrivons au cœur de ce que raconte ce balado.

CINQUIÈME COLLÈGUE :

Les araignées tissent des toiles avec des matériaux qui ont une plus grande résistance à la traction que beaucoup de choses que nous, les humains, pouvons fabriquer.

ANIMATEUR :

Pour cet épisode, nous allons passer du temps avec un chercheur qui veut tout savoir des sept types de soie que tisse l'araignée sphérique.

JAN RAINEY :

Je m'appelle Jan Rainey. Je suis professeur de biochimie et de biologie moléculaire à l'université Dalhousie à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

(Fin du morceau de musique)

ANIMATEUR :

Nous avons commencé en demandant à Jan de faire comme s'il se rendait dans une école pour y parler de ce sur quoi il travaille.

JAN RAINEY :

Vous savez peut-être que les araignées sont capables de fabriquer plusieurs types de soie, notamment le fil à laquelle elles se suspendent, mais aussi d'autres matériaux tels que ceux qu'elles utilisent pour envelopper leurs proies.

Chacun de ces matériaux est donc adapté à des propriétés différentes. Ainsi, s'il s'agit d'un matériau solide et non élastique, si vous vous suspendez à un fil, vous ne voulez pas rebondir. Mais si vous enveloppez une proie, vous ne voulez pas qu'elle rencontre quelque chose de trop fragile et qu'elle se brise. Nous essayons donc de comprendre quelles sont les caractéristiques de ces matériaux qui leur permettent de se comporter si différemment, même s'ils sont tous produits par le même organisme, et nous pourrons alors commencer à les utiliser à des fins auxquelles une araignée n'aurait jamais songé.

ANIMATEUR :

Lorsqu'il était étudiant, Jan avait déjà trouvé sa passion pour les fibres, en partie grâce à un stage au centre de recherche DuPont à Kingston, en Ontario. DuPont est connu pour sa marque déposée Kevlar®, utilisé dans les gilets pare-balles, et le tissu extensible LYCRA® créé dans les années 50 pour remplacer le caoutchouc dans les vêtements.

JAN RAINEY :

La soie d'araignée est réputée pour sa capacité à absorber l'énergie. Il s'agit d'un paramètre appelé « résistance aux chocs » dans le monde des matériaux, et la soie d'araignée (selon la façon dont on fait le calcul), peut être considérée comme le matériau connu le plus résistant par unité de masse.

En d'autres termes, si l'on parvenait à fabriquer un gilet pare-balles ou quoi que ce soit d’autre en soie d'araignée plutôt qu'en Kevlar, on devrait théoriquement pouvoir produire quelque chose qui pèse beaucoup moins lourd tout en étant capable d'absorber la même quantité d'énergie. 

Alors que je travaillais sur le nylon, j'ai également entendu des histoires très intéressantes sur les propriétés étonnantes de la soie d'araignée et, vous savez, cela a éveillé mon intérêt pour le fait qu'une entreprise comme DuPont puisse également s'intéresser à ces matériaux naturels, ainsi qu'aux matériaux synthétiques qu'elle produit et étudie depuis si longtemps.

ANIMATEUR :

L'intérêt de Jan pour la soie d'araignée est resté en veilleuse pendant un certain nombre d'années après son passage chez DuPont, mais il a été ravivé par Paul Liu, un de ses collègues de Dalhousie, qui lui a parlé de son travail sur des méthodes de production bactérienne.

JAN RAINEY :

L'un de mes collègues travaillait sur la production de soies d'araignée à l'aide de méthodes de production bactérienne. Il m'a demandé si je serais intéressé d'ajouter un volet « soie d'araignée » à notre programme de recherche, et j'ai répondu que c'était une excellente idée, que ce serait peut-être un peu difficile, mais que ça avait l'air amusant et qu’on devrait alors essayer.

ANIMATEUR :

Si Jan était très sûr de son étude des fibres, il ne l'avait en revanche pas été du point de vue de son orientation universitaire.

(Début d’un morceau de musique)

JAN RAINEY :

En tant qu'étudiant de premier cycle, je n'étais pas vraiment sûr de ce que je voulais faire, ce qui, je pense, est assez courant. En fait, ce sont ces stages chez DuPont qui m'ont fait comprendre que la recherche était une carrière, quelque chose que je pouvais envisager. Cela a en quelque sorte consolidé mon idée de m'éloigner de la médecine vétérinaire ou la médecine humaine et de m'orienter vers la recherche.

Ensuite, j'ai eu l'occasion de faire de la recherche universitaire et d'enseigner un peu à côté, ce qui m'a fait réaliser que je pouvais être membre de la faculté et avoir le meilleur des deux mondes, c'est-à-dire : faire de la recherche mais aussi enseigner et interagir avec le corps étudiant.

(Fin du morceau de musique)

ANIMATEUR :

Lorsque Jan n'enseigne pas, il étudie les propriétés physiques, chimiques et biologiques des soies d'araignées. Il étudie notamment une soie produite par les Mesothelae, une soie adhésive sèche produite par les Cribellées ou encore la soie enveloppant les proies et la soie piriforme qui forme des joints et que deux types d’araignée sphériques produisent.

JAN RAINEY :

Une araignée sphérique femelle produit sept types de soie différents et, à ce jour, seuls deux d'entre eux ont fait l'objet d'études approfondies, ce qui laisse cinq types de soie qui ne sont pas bien compris. Si l'on commence à examiner l'ensemble des espèces d'araignées, on constate qu'il existe d'autres familles plus petites dont une s’est écartée de l’espèce il y a quelques centaines de millions d'années et qui ne produit qu'un seul type de soie, mais qui pourtant persiste dans la nature.

La question est donc de savoir : qu’est-ce qui fait que cette soie est suffisante pour que l'araignée survive? D'autres araignées utilisent une sorte de matériau adhésif sec sur leurs toiles afin de capturer leurs proies grâce à ce qui s’apparent à un frottement. Il s'agit en quelque sorte d'un VELCRO® moléculaire. Là encore, la question est de savoir ce qui différencie cette soie de toutes les autres.

ANIMATEUR :

La soie qui provient des glandes ampullacées majeures sert à l’élaboration du cadre et des rayons de la toile tandis que la soie du câble de sécurité qui relie ce cadre à des points d’ancrage sur les rochers, briques ou plantes créés est différente.

(Début d’effets spéciaux)

JAN RAINEY :

Si vous voyez une araignée suspendue à un fil, il s'agit d’un fil de soie de suspension. Elle utilisera également cette même soie comme support principal de sa toile. Il s'agit donc d'un matériau très solide, mais pas aussi élastique que d'autres soies. L'araignée utilise ensuite d'autres types de soie pour former des fils de capture collants qu’elle ajoute à sa toile ou d'autres fils de soutien plus solides qui traversent la toile, ce qui lui permet de capturer ses proies. Une fois qu’une proie se colle à la toile, elle doit être retenue et l’araignée utilise alors un autre type de soie produite par la glande aciniforme pour l'envelopper. C'est l'un de nos principaux objets d’étude, en fait.

ANIMATEUR :

Au risque d’interrompre, sachez que la résistance à la traction signifie à la fois force et extensibilité, et ce sont les caractéristiques de la soie utilisée pour envelopper les proies. 

JAN RAINEY :

En fait, s'il s'agit d'une araignée femelle, elle utilisera cette même soie comme revêtement intérieur de l’enveloppe de ses œufs. Elle produira donc une soie enveloppante autour de l'œuf, puis un autre type de soie qui servira en quelque sorte de coquille à cet œuf.

Donc, je pense qu'on en est à cinq ou six types de soie différents à ce stade. L'autre question qui se pose est la suivante : si vous êtes une araignée, comment attachez-vous votre toile à une paroi rocheuse ou à une brique, par exemple? Il existe un autre type de soie à cette fin que l'on peut comparer à une fibre de verre ou à quelque chose de ce genre. Il s’agit d’une série de filaments entourés de quelque chose d'un peu spongieux, et cette substance est collante et elle contient en fait les minuscules fibres de soie ensemble qu’on appelle « piriforme » et qui agissent comme un substrat solide pour s'assurer que la substance gluante ne se dissipe pas. Elles s'attachent directement au fil de suspension et fournissent ainsi un ancrage à la toile sur des types de surface très différents.

(Fin des effets spéciaux)

ANIMATEUR :

Si l'avenir semble prometteur pour la soie synthétique produite en laboratoire, qui s'inspire notamment des soies créées par les araignées sphériques, la soie d'araignée a en fait un passé très intéressant et qui remonte loin dans l’Histoire. Elle a été utilisée auparavant comme fil de suture pour recoudre les plaies.

JAN RAINEY :

Les gens récoltaient la soie d'araignée et l'utilisaient ensuite comme fil de suture. Le savoir est important ou utile car cela implique que ce matériau est généralement toléré par les êtres humains et ne produit pas nécessairement de réaction indésirable. Il y a longtemps que ces matériaux sont reconnus comme biocompatibles avec les êtres humains.

Bien entendu, le revers de la médaille, c’est que si nous voulons commencer à personnaliser le matériau ou même en récolter des quantités significatives, les araignées sont notoirement difficiles à travailler d'un point de vue agricole, car elles sont cannibales et territoriales. De plus, récolter de grandes quantités de soie d'araignée dont les propriétés seraient stables peut aussi constituer un défi de taille.

ANIMATEUR :

Pour clarifier les choses, la soie naturelle est difficile à utiliser en raison de la disparité dans la composition ou les performances mécaniques des fibres, mais ce qui est encore plus contraignant, c'est que lorsqu'une araignée mâle saute sur la toile d'une araignée femelle, c'est comme si elle entrait sur le ring, et généralement, l’araignée femelle s'en va.

(Début d’un morceau de musique)

JAN RAINEY :

L'autre solution consiste alors à commencer à produire ces matériaux en laboratoire ou dans un contexte industriel et pour cela, nous utiliserons généralement une bactérie non pathogène. En quoi est-ce bénéfique? Parce que cela nous permet de personnaliser la protéine. Nous ne sommes donc pas coincés par la soie particulière que fabrique l'araignée, mais nous pouvons potentiellement combiner différents types de soie ou commencer à ajouter des éléments de protéines humaines à ces soies d'araignée et ensuite décorer la surface d'un matériau qui se comporte comme une soie avec quelque chose qui a une fonctionnalité médicale humaine.

Nous avons commencé à explorer cette voie avec une protéine particulière qui favorise la croissance des cellules nerveuses par exemple, et nous sommes donc en mesure de former une membrane de soie transparent qui lie, qui retient ces facteurs de croissance des nerfs et qui favorise et soutient la croissance des cellules, mais aussi leur comportement nerveux.

Un autre domaine sur lequel nous travaillons est similaire à notre approche : nous avons trouvé un moyen de séquestrer ou de lier le facteur de croissance des nerfs à la soie. Nous avons conçu une soie contenant un peptide bioactif ou une hormone attachée à une extrémité de la molécule de soie, ce qui signifie que nous pouvons à présent créer une membrane ou une fibre de soie à laquelle est attachée une hormone humaine. Des essais cliniques et d'autres études ont examiné différentes manières d'introduire cette hormone dans la zone où s’est produit un infarctus du myocarde ou une crise cardiaque, afin d'améliorer le fonctionnement du muscle après coup.

(Fin du morceau de musique) 

ANIMATEUR :

Il n'est donc pas difficile de percevoir l'incroyable potentiel de la soie d'araignée pour aider à la régénération des nerfs ou du cœur, mais une fois de plus, il s'agit de savoir comment en produire suffisamment pour qu'elle soit utile dans la pratique. Dans le cas des travaux de recherche de Jan, tout a commencé par ce que l'on pourrait appeler « tremper et prélever ».

JAN RAINEY :

Lorsque nous avons commencé le travail, nous avons utilisé une technique appelée « dessiner à la main ». Comme son nom l'indique, il s'agit de prendre une gouttelette de notre solution protéique et d'y plonger un objet pointu pour en extraire une fibre.

ANIMATEUR :

Jan estime qu'il faudrait huit mois de dessin à la main, sur une base quotidienne, pour produire environ 30 milligrammes de fibres utilisables. À titre de référence, un grain de maïs pèse environ 300 milligrammes.

JAN RAINEY :

Nous avons décidé de travailler sur un système automatisé pour produire les fibres.

À l'époque, j'avais un étudiant diplômé exceptionnel qui avait mis au point une méthode de filage automatisée. Nous devions donc trouver un solvant qui permettrait à notre protéine de former une solution claire, afin qu'elle soit distribuée dans tout le liquide à une concentration élevée, et les araignées ont optimisé cela dans leurs glandes. Elles veulent absolument que la protéine occupe la majeure partie de l'espace dans la glande, mais elles ne veulent pas qu'elle gâche prématurément le travail, si l'on peut dire. Ainsi, vous ne voulez pas essayer de capturer une proie et ne pas être en mesure de tirer votre toile avec plus de précision, ou si vous vous suspendez à un fil, vous ne voulez pas qu'il s'arrête soudainement et qu’un oiseau vienne et vous attrape.

ANIMATEUR :

Les fibres utilisées par l'araignée sphérique pour créer ses toiles présentent de nombreuses caractéristiques intéressantes pour les chercheurs et les chercheuses, mais une caractéristique dont nous n'avons pas encore parlé est la taille réelle de ces fils, de ces fibres, et pour donner une idée de l'échelle, comparons-les à une mèche de cheveux.

JAN RAINEY :

Ainsi, lorsque nous les fabriquons en laboratoire par le biais de notre processus automatisé de filage humide, elles sont généralement de l'ordre d'un cinquième de cheveu humain ou quelque chose de ce genre. Mais si vous deviez isoler des soies naturelles d'araignée en fonction de l'application pour laquelle l'araignée les utilise, elles pourraient être de l'ordre d'une minuscule fraction de cheveu humain jusqu'à une largeur proche de celle d'un cheveu humain. Ainsi, selon le type de soie et l'utilisation qu'en fait l'araignée, les fibres produiront des diamètres très différents.

ANIMATEUR :

La production de soie d'araignée synthétique à grande échelle n'est pas seulement un problème pour le laboratoire de Jan.

JAN RAINEY :

L'un des grands défis du domaine de la soie d'araignée dans son ensemble est de pouvoir produire suffisamment de ce matériau pour pouvoir en faire quelque chose en dehors du laboratoire. Mais si l'on regarde ce qui se passe dans le monde, il y a un groupe en Suède par exemple, qui a récemment fait état de rendements énormes de sa soie d'araignée dans un contexte postsecondaire. Ainsi, même par rapport à il y a cinq ans, où l'on disait qu'il ne serait pas possible de produire de la soie d'araignée de manière commerciale, nous voyons soudain ces technologies commencer à se développer à partir d'une grande variété de sources dans le monde, ce qui indique qu'il devrait y avoir beaucoup d'approches différentes pour surmonter ces problèmes.

ANIMATEUR :

Il y a cinq ans, il n’était pas possible de croire que des fibres synthétiques pouvaient être produites en laboratoire en quantité suffisante, mais aujourd'hui, comme le mentionne Jan, des entreprises du monde entier commencent à s'engager dans cette voie, et en fait, l'une d'entre elles est canadienne.

JAN RAINEY :

Un bon exemple est peut-être notre entreprise locale 3D BioFibR avec laquelle je collabore, qui a mis au point une méthode très différente de production de fibres à base de protéines, ce qui nous permettrait d'augmenter considérablement le rendement de la production de fibres. Cela ouvre de nombreuses possibilités de collaboration entre les établissements d’enseignement postsecondaire et le milieu industriel, car il n'y a pas d'autre moyen direct pour une entreprise comme celle-là d'accéder à suffisamment de soie d'araignée avec laquelle elle pourrait travailler et pour nous, il ne serait pas facile de commencer à créer une nouvelle méthodologie de production de ce type.

ANIMATEUR :

Traditionnellement, l'élaboration de nouvelles méthodes de production prend beaucoup de temps et nécessite une main-d'œuvre importante, mais l'IA pourrait permettre d'accélérer leur mise au point. 

JAN RAINEY :

Grâce aux outils d'IA, nous pouvons commencer à poser des questions telles que : Quelles sont les caractéristiques de la soie d'araignée qui pourraient être universelles par opposition aux caractéristiques qui indiqueraient leur capacité à survivre dans un environnement exceptionnellement humide (une forêt tropicale par exemple) ou un désert? Idéalement, nous pourrions tirer parti de ces caractéristiques et de ce que nous en comprenons par l'intermédiaire d'une IA, de manière à commencer à concevoir et à fabriquer des types de matériaux à base de soie entièrement nouveaux fonctionnant dans l'environnement de notre choix.

ANIMATEUR :

Si les outils de pointe peuvent aider à faire avancer la recherche, tous les outils du monde ne permettraient de toute façon pas toujours d'atteindre directement la destination prévue ou souhaitée...

(Début d’un morceau de musique)

JAN RAINEY :

Lorsque j'ai créé mon laboratoire ici à Dalhousie, j'avais un projet principal qui, selon moi, serait le projet le plus sûr et qui me garantirait des années de résultats. Nous devions donc produire des peptides de type collagène, les purifier et fabriquer des matériaux sur mesure à partir de ces peptides. Si la production n'a pas posé de problème, l'obtention d'une forme pure s'est avérée extrêmement difficile. J'étais donc en train de me taper la tête contre le bureau en me demandant ce que j'allais faire parce que mon projet principal ne fonctionnait pas comme je l'avais imaginé.

En fait, j’avais dit à l'étudiante diplômée qui travaillait principalement sur ce projet au départ : Voudrais-tu essayer de travailler sur la soie d'araignée en plus, juste pour te donner une expérience différente? Et cela a fini par devenir l'axe principal de sa recherche doctorale parce que cela fonctionnait si bien, alors qu’au contraire, mon projet de base s'avérait si peu fructueux que nous ne l'avons laissé tomber après le premier cycle de financement de cinq ans.

(Fin du morceau de musique)

ANIMATEUR :

Le plus récent financement de la FCI que Jan ait reçu date de 2021, ce qui a facilité ses travaux de recherche et sa capacité à étudier l'ingénierie des protéines, notamment les protéines fibreuses qui sont les éléments constitutifs de la soie d'araignée. Ce type de recherche nécessite également de l’équipement de laboratoire de pointe, afin de pouvoir voir ce qui ne peut être vu par l'œil humain.

JAN RAINEY :

Grâce à l'infrastructure dont nous disposons, nous sommes en mesure de déterminer de manière exhaustive ces types de structures au niveau atomique et de comprendre comment elles peuvent changer dans différentes conditions. Ainsi, par exemple, si nous prenons une protéine de soie d'araignée et que nous commençons à la soumettre à une pression croissante, ce changement de pression peut l'amener à changer de forme et à commencer à se comporter comme elle le ferait dans la glande ou le conduit de l'araignée lorsqu'elle passe de l'entrepôt à la fibre.

Notre infrastructure nous a donc permis de disposer de ce type de capacités en interne, en Nouvelle-Écosse, au lieu de devoir toujours traverser le campus, le pays ou d’aller à l’étranger pour réaliser nos expériences. Il est donc tout à fait novateur de pouvoir faire cela dans le bâtiment voisin plutôt que dans une autre province ou un autre pays.

ANIMATEUR :

Nous avons commencé ce balado en demandant à plusieurs personnes ce qui leur venait à l'esprit lorsqu'elles entendaient le mot « araignée », et nous avons posé la même question à Jan.

(Début d’un morceau de musique)

JAN RAINEY :

Bonne question. Je pense que c'est un organisme assez fascinant. Vous savez, il est certain que si l'une d'entre elles sortait de dessous une armoire ou quelque chose comme ça, cela a de quoi effrayer. Mais oui, je pense que j'ai réussi à surmonter cette peur grâce à la beauté des matériaux qu'elles produisent. Nous essayons toujours de comprendre la question la plus fondamentale, à savoir ce qu'il advient de ces protéines ou comment elles changent lorsqu'elles passent de l'état soluble, que ce soit dans la glande de l'araignée ou dans notre appareil de filature, à une fibre insoluble. Nous savons donc que cela se produit, que c'est très reproductible et que nous avons beaucoup d'indices quant au processus, mais nous ne savons toujours pas exactement ce qui se passe.

(Fin du morceau de musique)

ANIMATEUR :

Jan n'a rien perdu de sa persévérance dans son étude des fibres et, même si les araignées ne plaisent pas à tout le monde, il est passionné par son étude des soies d'araignée et, pour lui, la passion est la clé du succès.

JAN RAINEY :

Je pense que les différences et les propriétés ont été découvertes relativement récemment, et c'est surtout le fruit de la curiosité de gens qui se disent : Je me demande ce qui fait qu’une araignée a sept glandes différentes qui produiraient chacune leur propre matière semblable à la soie? Pourquoi? Pourquoi cela continue ainsi alors qu'il semblerait que cela multiplie les efforts?

(Début d’un morceau de musique)

Ce que j'aime, c'est que l'on ne sait pas vraiment ce que l'on va rencontrer au quotidien. Chaque jour peut donc être très différent du point de vue de la recherche. Vous savez, ce qu'il faut retenir, c'est qu'il faut travailler sur quelque chose qui vous passionne, qui vous stimule et qui vous motive au quotidien, et je pense que sans cette passion et cet intérêt, il est assez difficile de réussir.

ANIMATEUR :

En fin de compte, Jan souhaite comprendre ce qui rend chaque soie de chaque araignée unique. Il souhaite étudier les soies les moins étudiées. Il souhaite découvrir comment les soies ont évolué pour aider les araignées à survivre et comment ces découvertes peuvent être exploitées pour aider les humains à survivre.

Alors, qu'entend Jan quand il prononce le mot « araignée »?

JAN RAINEY :

Il y a beaucoup de blagues sur l’homme araignée qui reviennent. Peut-être que ce n'est pas si loin dans la réalité non plus? Alors, nous verrons.

ANIMATEUR :

Vous avez écouté un balado produit par la Fondation canadienne pour l’innovation. 

La FCI est un organisme à but non lucratif qui verse des fonds aux universités, collèges, hôpitaux de recherche et établissements de recherche à but non lucratif du Canada, pour qu’ils investissent dans l’infrastructure de recherche. 

Si vous voulez en savoir plus, consultez notre site Web : innovation point C. A. 

Je m'appelle Greg Pilsworth. Merci d’avoir été à l’écoute. 

Au revoir. 

(Fin du morceau de musique)