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Accroître l’immunité des plantes

La génomique de pointe pourrait aider à lutter contre l’insécurité alimentaire en armant mieux les cultures dans le combat qu’elles livrent aux agents pathogènes.
Par
Julie Stauffer
Établissement(s)
Université de Toronto
Province(s)
Ontario
Sujet(s)
Nature
Agronomie et foresterie
Illustration de deux personnes de part et d'autre d'une pousse aussi haute qu'elles. Elles semblent l'analyser puisque l'on voit aussi des infographies et diagrammes dans la partie supérieure de l'illustration.

Dans toutes les exploitations agricoles, les cultures livrent bataille à une multitude d’envahisseurs bactériens et fongiques qui coûtent à l’économie mondiale plus de 220 milliards de dollars par an. Dans certains cas, ces agents pathogènes détruisent chaque année une partie, certes petite, mais non négligeable, de la récolte. Dans d’autres, les pertes sont catastrophiques.

Et les dégâts sont toujours considérables : plus de 40 pour cent des cultures agricoles les plus importantes au monde sont détruites chaque année par des maladies végétales. Et tout indique que la menace que représentent les ravageurs et les agents pathogènes pour les cultures s’accroît au rythme des changements climatiques.

Trouver en premier des solutions proactives pour assurer la sécurité alimentaire dans le monde

« L’incidence sur la sécurité alimentaire est considérable », affirme David Guttman, biologiste évolutionniste. C’est pourquoi son laboratoire de l’Université de Toronto (en anglais seulement) s’efforce de renforcer la résistance des plantes à ces agents pathogènes.

Bien souvent, sur le terrain, la protection des cultures est purement réactive : lorsque le mal est fait, il ne reste qu’à éliminer les plantes infectées ou à épandre des pesticides ou des fongicides. « Ce n’est qu’après leur apparition qu’on intervient pour traiter les problèmes », précise M. Guttman. Cette situation s’explique en partie par le fait que, même si les personnes qui sélectionnent les plantes cherchent constamment à créer des cultures plus résistantes, leurs travaux sont souvent restreints par la génétique de la plante elle-même, voire par la rapidité avec laquelle les agents pathogènes parviennent à vaincre les gènes de résistance existants.

Le chercheur souhaite mettre en place une approche proactive en trouvant une nouvelle diversité génétique qui, en renforçant le système immunitaire des plantes, préviendra les infections en amont.

Cartographier le système immunitaire végétal

À cette fin, M. Guttman et ses collègues se sont servis d’un équipement financé par la FCI pour séquencer génétiquement plus de mille souches de bactéries. À partir de ces séquences génomiques, quelque 500 effecteurs, soit des protéines qui permettent aux bactéries d’infecter leur cible, ont pu être isolés.

L’équipe a ensuite infecté des plantes cultivées et des espèces sauvages de la même famille au moyen d’effecteurs. Le but : évaluer la réaction cellulaire de ces végétaux. « Les plantes ont un système immunitaire très complexe, explique M. Guttman. Lorsqu’elles détectent la présence d’un effecteur, elles déclenchent une réponse immunitaire. »

En ciblant les sentinelles les plus alertes de la cellule, les scientifiques pourront produire des cultivars qui en contiennent davantage, ce qui permettra à la plante de mieux lutter contre les maladies. À présent, l’équipe de M. Guttman élargit ses recherches aux tomates, au soja et à plusieurs cultures de la famille des choux. Elle étudie également le matériel génétique d’espèces sauvages apparentées pour tenter de découvrir une diversité immunitaire qui serait absente chez la plante cultivée.

Séquencer la diversité

Deux personnes en blouse de laboratoire se tiennent devant une table de travail sur laquelle, au premier plan, se trouvent des plantes.

En outre, grâce à des techniques d’apprentissage automatique, l’équipe de recherche examine avec minutie les génomes de différents types de microbes qui s’attaquent à la même plante, et ce, afin de trouver des gènes communs qui pourraient conférer à ces agents pathogènes leur infectiosité.

Comme il doit séquencer le modèle génomique d’un nombre incalculable de bactéries, M. Guttman a fort à faire. Or, c’est précisément à cause de cette multitude qu’il a choisi de se consacrer à ce domaine. « Ce qui me fascine, c’est justement de chercher à comprendre la diversité », affirme-t-il.

Les plantes livrent à leurs envahisseurs une lutte en constante évolution. Mais les connaissances acquises par M. Guttman et son équipe pourraient, avec le temps, se traduire par la création de cultures plus résistantes et donc par davantage de nourriture sur les tables de tous et toutes de par le monde entier.