Balado

Utiliser des stimuli auditifs pour traiter des maladies cognitives : de la musique aux oreilles d'un chercheur...

Et si la musique nous permettait de mieux réaliser nos tâches quotidiennes? Et si l’on pouvait freiner les effets délétères de maladies comme la maladie de Parkinson grâce à un stimuli auditif? C’est ce dont Simone Dalla Bella est convaincu et ce pourquoi il co-dirige le Laboratoire international de recherche sur le Cerveau, la Musique et le Son.
Établissement(s)
Université de Montréal
Province(s)
Québec
Sujet(s)
Neurosciences
Musique
Photo de Simone Dalla Bella, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’apprentissage des habiletés auditives et motrices en musique et les nouvelles technologies, professeur au département de psychologie à l’Université de Montréal et co-directeur du BRAMS, le Laboratoire international de recherche sur le Cerveau, la Musique et le Son.

Nombre de personnes ont la capacité de percevoir correctement les rythmes, mais elles n’arrivent pas à synchroniser leurs mouvements sur la musique, et vice et versa. Eh bien, des chercheurs et chercheuses du Laboratoire international de recherche sur le Cerveau, la Musique et le Son se penchent sur comment définir la corrélation entre la musique et nos capacités cognitives comme la parole, la mémoire, l'attention, et une foule d’autres fonctions exécutives. Les résultats de leurs travaux de recherche pourraient donc avoir d’importantes retombées pour les personnes atteintes de troubles cognitifs.

Temps d'écoute : 24 minutes, 56 secondes

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Illustration vectorielle comprenant un assortiment d'éléments liés à la recherche et à la communication, divisés par des formes rectangulaires rouges, blanches et bleues. Les mots "10 000 expérimentations" sont écrits en noir sur un fond blanc croche.
Vous souhaitez entendre d'autres chercheurs et chercheuses parler de ce qui suscite leur curiosité, de ce qui les pousse à persévérer et à réussir?

Animatrice :

Vous écoutez un balado de la Fondation canadienne pour l’innovation.

(Musique d’ouverture)

Bonjour et bienvenue à « 10,000 expérimentations ». Ce baladodiffusion traite de travaux scientifiques de pointe et des joies de la découverte.

M. Dalla Bella :

Bonjour, je suis Simone Dalla Bella, professeur au département de psychologie à l’Université de Montréal et co-directeur du BRAMS, le Laboratoire international de recherche sur le Cerveau, la Musique et le Son.

Animatrice :

Nous nous sommes inspirés de Thomas Edison, qui aurait dit que toutes ses tentatives n’avaient pas été des échecs, mais 10 000 façons de faire, qui n’avaient pas bien fonctionné.

(Fin de la musique d’ouverture)

(Début d’un morceau de musique)

Lorsque j’avais 12 ans, en vacances chez mon oncle et ma tante, mon oncle arborait cet été-là un tee-shirt avec inscrite une citation de Nietzsche que je trouvais tellement juste, que j’aurais voulu me faufiler dans leur garde-robe et lui chiper.

« La vie sans musique serait tout simplement une erreur. »

C’est sans doute pourquoi lorsque l’occasion s’est présentée de faire une entrevue avec Simone Dalla Bella … J’ai immédiatement dit oui!

Rien que le nom de ce chercheur… Il se fredonne… se module… se vocalise… et se chantonne!

Entonnons alors avec lui quelques couplets et variations sur le thème de sa vie : la musique.

M. Dalla Bella :

D'une certaine manière, la musique fait partie de fait partie de ma vie et je suis très chanceux. Je me considère très, très chanceux d'avoir pu continuer à faire de la recherche dans la… en musique dans une perspective qui est très scientifique.

On dit toujours que lorsqu'on commence la musique, la musique nous quitte jamais.

(Fin du morceau de musique)

Animatrice :

Le Laboratoire international de recherche sur le Cerveau, la Musique et le Son (d’où l’acronyme du nom anglais « BRAMS ») est un lieu de travail et de recherche unique en son genre.

(Début d’un morceau de musique)

Situé à Montréal, il est conjointement affilié à l’Université de Montréal et à l’Université McGill.

Le laboratoire axe principalement ses recherches sur la cognition musicale, avec une emphase particulière sur les neurosciences.

Il possède l’une des plateformes technologiques les plus complètes et les plus sophistiquées au monde.

M. Dalla Bella :

Je me retrouve dans un environnement qui est extrêmement privilégié, comme le laboratoire de BRAMS dans un écosystème à Montréal qui est unique. Donc, on a vraiment cette grande opportunité, disons… d'être dans un contexte dans lequel les idées par rapport à la musique pullulent; donc on se retrouve dans un contexte extrêmement bouillonnant, extrêmement stimulant pour la recherche dans le domaine.

(Fin du morceau de musique)

Animatrice :

De quoi a-t-on besoin pour étudier la musique et les neurosciences?

Que verriez-vous si vous entriez au BRAMS?

Eh bien, il y a des salles insonorisées, un dôme sous lequel se trouvent 80 haut-parleurs et un laboratoire de capture de mouvement dans lesquels on teste les capacités de synchronisation du corps à la musique.

Le laboratoire comprend également des systèmes de spectroscopie fonctionnelle proche infrarouge, de stimulation magnétique transcrânienne et d’électro-encéphalographie pour examiner l’activité cérébrale.

(Début d’un morceau de musique)

On se sert également au BRAMS du seul piano Bösendorfer numérique en Amérique du Nord qui, sur le plan acoustique, transmet mieux le son qu'il ne le reflète.

Celui-ci est d’autant plus spécial qu’il permet d’enregistrer une interprétation au moyen de capteurs extrêmement précis, de la numériser et de la reproduire.

(Fin du morceau de musique)

Tout cela permet de mieux comprendre la musicalité sur le plan fondamental.

(Début d’un morceau de musique)

Et que fait-on avec tous ces… instruments (dans tous les sens du terme!)?

M. Dalla Bella :

Dans mon laboratoire au BRAMS, on s'intéresse à la relation qui existe entre la musique et le cerveau en général hein? Et comment notre cerveau est capable de percevoir la musique, réagir à la musique, bouger sur la musique…

On sait qu'il y a des personnes qui ont des capacités à percevoir correctement les rythmes, mais qui n'arrivent pas à se synchroniser avec la pulsation de la musique, qui n'arrivent pas à bouger sur l'utilisation de la musique et vice et versa.

On sait qu'il y a des personnes qui n'ont pas de difficulté de synchronisation mais, qui ont des difficultés dans le domaine de la perception. Alors donc, qu'est-ce que je veux dire? C'est que en fait, il y a tout un degré de différences et donc c'est à ce degré de différences là maintenant qu'on s'intéresse pour arriver à le définir mieux et pour arriver à définir comment ces différences-là sont en lien avec d'autres capacités cognitives comme la mémoire, l'attention, ce qu'on appelle les fonctions exécutives dans notre capacité à donner une réponse, notre capacité à être flexibles dans la réalisation des tâches dans la vie de tous les jours, etc.

(Fin du morceau de musique)

Animatrice :

Et vous? La musique vous permet-elle de mieux réaliser vos tâches quotidiennes? Ou est-ce que ce serait plutôt le contraire?

(Début d’un morceau de musique)

M. Dalla Bella :

Lorsque l'individu s'engage dans une synchronisation du mouvement du corps avec la dérive de la musique, il y a plusieurs circuits dans le cerveau qui s'activent. Et ces circuits sont généralement les mêmes circuits qui s'activent dans plusieurs autres types d'activités motrices, comme marcher, comme parler. Donc il y a quand même un socle de mécanismes qui est commun à ces différents types d'activités.

Donc, notre idée sous-jacente à la recherche qu'on mène actuellement, c'est que eh bien, on peut arriver à entraîner ces réseaux et donc via la musique. On sait que la musique est un stimulus extrêmement puissant pour évoquer une réponse motrice.

On exploite cette capacité. C'est une capacité qui est très répandue et donc on va entraîner ce système. Et en entraînant ce système, on peut avoir un effet qu'on appelle « un effet de transfert » à d'autres domaines, par exemple moteurs, comme la parole, comme la marche et donc, d'une certaine manière, on l'exploite.

Ça peut être la parole auprès d'individus qui souffrent de bégaiement. Ça peut être chez les patients parkinsoniens et ça peut être dans d'autres formes de troubles de la parole. Et justement, il y a souvent un intérêt envers cette capacité de la musique d'être utilisée comme un outil de, disons de… rééducation.

(Fin du morceau de musique)

Animatrice :

Encore une fois, je soutiendrais que Nietzsche avait raison, car la musique a un pouvoir réparateur…

(Début d’un morceau de musique)

M. Dalla Bella :

Dans mon laboratoire, on s'intéresse vraiment à cette capacité d'aligner le mouvement, de synchroniser le mouvement au rythme de la musique et donc on veut savoir quelles régions du cerveau sont impliquées dans cette relation, comment est ce qu'on peut définir cette capacité chez les différents individus?

Et aussi, on sait que cette capacité, elle est déficitaire auprès de certaines populations de patients : patients de la maladie de Parkinson, patients avec dyslexie et ainsi de suite. Et donc on s'intéresse vraiment à essayer de comprendre qu’est-ce qui ne va pas justement auprès de ces populations particulières qui ne sont pas en mesure de, disons de synchroniser leurs mouvements avec la musique

Si vous regardez la marche d'un patient qui souffre de la maladie de Parkinson, vous allez voir que c’est une marche beaucoup plus hésitante, avec un grand risque de chutes, avec des petits pas. Et donc on sait, mais depuis 1940, que si on fournit un stimulus rythmique comme un simple métronome, les patients commencent à marcher de façon plus naturelle. Les patients commencent à faire des pas qui sont plus longs et il y a un effet positif, si vous voulez, immédiat.

(Fin du morceau de musique)

Animatrice :

Ne vous amusez pas à compter les articles, les conférences et autres tables rondes qui traitent de la thérapie par la musique. Vous auriez plus vite fait d’apprendre à jouer de l’harmonica!

S’il est vrai que dans l’Antiquité grecque et en Chine, cinq siècles avant notre ère, on associait déjà l’étude de la musique à la médecine…

Si comme moi, vous avez entendu dire que l’on utilise le son dans une démarche de soin et la musique pour l’éveil des nourrissons, voire des fœtus…

Le concept du laboratoire BRAMS repose sur une idée tout de même assez novatrice. C’est Isabelle Peretz qui en est à l’origine et qui amorce le projet en août 2003.

M. Dalla Bella :

L'Institut Brahms existe depuis plus que quinze ans désormais et ça avait été créé par deux pionniers dans le domaine des neurosciences de la musique : Isabelle Peretz, qui est professeure au département de psychologie à l'Université de Montréal, et Robert Zatorre, qui est chercheur à l'Institut neurologique de Montréal.

Il faut pas oublier qu'à l'époque, ça n'existait pas.

Donc la création du BRAMS a été un moment, je dirais… un pilier du… dans le domaine qui par ailleurs ensuite, ça a été imité dans d'autres pays, aux États-Unis et en Europe.

Mais le BRAMS, c'était le premier vraiment à être focalisé sur la relation entre la musique, l'audition et les neurosciences. Donc ensuite, Isabelle Peretz a passé le bâton à moi-même en 2018, quand j'ai pris la codirection du BRAMS.

Animatrice :

On dit que c’est grâce à Isabelle Peretz et Robert Zatorre que Montréal est devenue la capitale mondiale de l’étude du « cerveau musical ».

M. Dalla Bella :

J'ai reçu en héritage un cadeau. J'ai eu la chance d'être encadré au doctorat par Isabelle Peretz, ici à Montréal, sachant que je venais de l'Europe à l'époque. J'avais fait mes études en Italie. Euh… mes études de maîtrise et ensuite j'avais eu l'opportunité, dans un voyage en Belgique dans le cadre d'un échange, de connaître Isabelle Peretz qui était à l'époque en voyage en Belgique, donc c'était… euh… Disons que… C'était un événement fortuit, extrêmement changeant pour moi dans ma vie de recherche…

Et évidemment, on est resté en contact au fil des années, donc c'est une… C'est une mentore essentielle dans mon parcours et une collègue et aussi une amie jusqu'à présent.

Animatrice :

Bien entendu, une femme comme Isabelle Peretz n’a pas qu’une influence éphémère dans la vie des personnes qui la croisent!

Mais alors, quel enseignement retient-on d’une chercheuse de sa trempe?

M. Dalla Bella :

La rigueur (Début d’un morceau de musique) scientifique, c'était une des valeurs fondamentales que j'ai gardées jusqu'à présent, que j'essaie de transmettre à mes propres étudiants.

On essaie d'être toujours extrêmement rigoureux dans la façon, par exemple, de collecter les données, dans la façon de donner les instructions aux participants. Alors, juste pour vous donner un peu un cadre typique d'étude qu'on mène en laboratoire, alors… des études qu'on conduit implique qu’on présente des stimuli musicaux aux participants, et les participants doivent faire une tâche particulière. Parfois, la tâche, c'est de dire : Ah… Est-ce que vous remarquez qu’il y a une erreur musicale dans un stimulus? Ou est-ce que les deux mélodies vous semblent mêmes ou différentes?

Et parfois, on leur demande d'agir directement, par exemple, synchronisés avec le tapotement de leurs mains ou avec de la marche ou avec la course, sur la pulsation rythmique de la musique.

Alors lorsqu'on fait cela, évidemment, on doit donner des instructions qui sont très précises. Une instruction biaisée peut biaiser le comportement du participant dans l'étude. Et donc, je suis extrêmement rigoureux avec mes propres étudiants.

La rigueur consiste aussi à faire plusieurs vérifications multiples de manière à ce que, au moment où on obtient des résultats, on est sûr, j'aime dire à mes étudiants, à 150 pour cent, que les résultats sont fiables.

(Fin du morceau de musique)

Animatrice :

Justement… Un aspect fort et décisif du professorat et de la direction d’un laboratoire, c’est la relation que l’on met en place avec celles et ceux que M. Dalla Bella vient de mentionner : les étudiantes et les étudiants.

M. Dalla Bella :

C'est toujours un moment magique quand on a un étudiant qui arrive dans mon bureau et avec une idée nouvelle, qui parfois est une idée extraordinaire, parfois c'est juste une, une… je dirais… une pensée qui a traversé l'esprit et qui, ensuite, évidemment il faut décrypter, analyser au cours, au cours d'une discussion.

Mais c'est un moment qui montre qu'il y a… disons… un bouillonnement intellectuel dans un laboratoire.

Animatrice :

Un laboratoire, c’est un peu comme… un orchestre symphonique?

(Début d’un morceau de musique)

M. Dalla Bella :

Il faut savoir que… Je tiens vraiment à le dire… C'est que, un laboratoire de recherche, du moins dans notre domaine, ce n'est jamais une seule personne; c'est vraiment le travail d'une équipe qui est souvent bien soudée, d'étudiants, d'assistants, des doctorants, des post-doc, avec lesquels on travaille ensemble.

Donc, personnellement, j'en retire un très grand plaisir de travailler avec des étudiants. Et, de la perspective d'un étudiant, c'est très important aussi de voir qu’ils font partie d’une sorte de... non pas d'une machine qui va produire des articles, mais justement d’un environnement qui est, qui génère des idées, qui les applique, dans un contexte d'apprentissage qui est positif.

(Fin du morceau de musique)

Animatrice :

Peut-être avez-vous entendu comme moi les mots : « bouillonnement intellectuel dans un laboratoire »…

Cette toute petite préposition déclenche bien évidemment la question que tout le monde se pose après avoir vécu la pandémie de Covid-19 de plein fouet…

Comment est-ce que l’on s’y prend pour cimenter la cohésion d’un groupe et favoriser le « bouillonnement intellectuel » à fortiori quand on ne peut plus ouvrir les portes du laboratoire dont on est le co-directeur?

(Début d’un morceau de musique)

M. Dalla Bella :

C'est une question qui est non seulement importante, mais encore plus importante après deux ans de pandémie, qui effectivement ont été extrêmement délétères pour toute forme de cohésion, ne serait-ce qu'à l'intérieur d'un laboratoire.

Donc chacun de nous, chaque… chaque chercheur a son propre laboratoire avec plusieurs étudiants, mais ensuite, il y a toute une infrastructure de laboratoires comme c’est le BRAMS, qui nécessite des interactions avec les chercheurs, avec les étudiants.

Donc on n'a pas eu ça pendant deux ans. On a essayé à plusieurs reprises de le faire, à distance par exemple, mais c'est effectivement quelque chose qui disons, ne remplace pas les interactions en présentiel, sur place.

Alors je… Récemment, évidemment, on est revenu dans un contexte de présentiel et donc, les activités ont bouillonné de manière très importante. Il y a beaucoup plus d'interactions et donc, par exemple, une des activités qu'on a organisées, c'était de faire un open house très récemment, avec des chercheurs et de nouveaux étudiants, avec de vieux étudiants pour permettre effectivement d'avoir ces échanges.

Évidemment, puisque c'est un laboratoire musical, on avait de la musique, non? Qui a aussi contribué beaucoup à créer ce climat de, disons… de convivialité et d'interaction.

Un laboratoire de ma perspective n'est pas qu'un environnement dans lequel on créé une étude, on publie, etc. C'est aussi un environnement dans lequel les idées peuvent être partagées.

Et souvent, je peux vous dire que c'est justement dans ce contexte d'interaction-là que les idées se créent, que les collaborations se font. Et ça nous a manqué. Je parle à titre aussi des autres chercheurs, ça nous a manqué énormément pendant les derniers deux ans.

Donc voilà, dans mon rôle de co-directeur, j'ai aussi eu le plaisir de reprendre et faire reprendre ces activités et de favoriser les interactions.

(Fin du morceau de musique)

Animatrice :

Les interactions sociales et la convivialité sont donc des facteurs tout aussi importants dans le travail que de faire preuve de la rigueur scientifique dont M. Dalla Bella a parlé plus tôt.

Mais quoi d’autre?

M. Dalla Bella :

Un autre élément important, bah, c'est la façon de collecter et d'analyser les données.

Animatrice :

Et quand on analyse les donnée… Comment, en tant que chercheur ou chercheuse, réconcilie-t-on le besoin d’universaliser un traitement… de le rendre accessible (autant que possible)… au plus vaste nombre de personnes ayant la même condition ou la même maladie, … avec le fait que les tests sont empiriquement révélateurs de… nos individualités?

(Début d’un morceau de musique)

M. Dalla Bella :

C'est une question très intéressante et c’est… effectivement, il y a toujours une sorte de tension entre la tendance à généraliser et le fait que nous, on observe quand même des différences individuelles importantes et donc on doit les gérer surtout dans un contexte de rééducation, par exemple, en thérapie musicale. De fait, on s'est rendu compte qu’il n'y a pas que, une ou deux catégories en fait, il y a beaucoup de différents types de phénotypes des personnes.

En même temps, il y a une tendance qui n'est plus présente actuellement, mais qui est quand même un peu dans l'histoire de la psychologie, à considérer que les différences individuelles étaient du « bruit expérimental » dans les études.

Ceci a changé au fil du temps. Maintenant, on a des instruments pour décrire mieux ces différences individuelles; on peut mieux comprendre comment ces différentes structures du cerveau agissent et en regardant comment les patients individuels répondent à un stimulus rhythmique et leurs mouvements. Donc les deux choses ne sont pas incompatibles.

L'individualisation pour nous est importante dans un contexte de rééducation et donc on veut arriver à comprendre si on peut arriver à prédire lesquels des patients vont bénéficier ou pas d'une stimulation, d'une intervention musicale. Et pour ceux pour lesquels l'intervention musicale ne marche pas, comment est-ce qu'on peut adapter le protocole à ces patients en particulier pour que ça fonctionne?

Donc c'est l'enjeu derrière. Et alors, dans la recherche dans mon propre laboratoire, on a quelques pistes qui sont plutôt prometteurs, qui montrent qu'effectivement on peut déjà arriver à prédire lesquels seraient des répondeurs et des non répondeurs vis à vis d’une stimulation rythmique auditive.

En fait, c'est du cas par cas.

(Fin du morceau de musique)

Animatrice :

Je viens de comprendre que la recherche, c’est de perpétuellement s’ajuster.

Je sais que la recherche, c’est aussi (Début d’un morceau de musique) de se poser un nombre infini de questions.

 

M. Dalla Bella :

Alors je ne sais pas quelles questions de recherche vont être générées dans dix ans!

On a le devoir, d'une certaine manière, de s'interroger par rapport au rôle de la musique dans 20 ans. Quelle thématique on veut développer?

Je vous en mentionne une : l'interaction avec les nouvelles technologies par exemple, la relation avec l'intelligence artificielle. Comment est-ce qu'on peut effectivement intégrer la musique et faire bénéficier tout le monde de la musique, mais en bénéficiant de tous ces outils.

Peut-être on va se retrouver dans des situations, à cause des changements qui nous entourent, où la musique pourrait jouer un rôle qui est bien différent de celui qu’elle joue actuellement.

Je suis prêt tout de même à parier par rapport à un rôle que la musique va jouer, de plus en plus, c'est dans le contexte social. Donc, si je dois rêver vis à vis de quelque chose que là… que je voudrais transmettre… c'est justement d'arriver à voir les rôles que la musique peut jouer pour souder les relations sociales au niveau des groupes, chose dont, il me semble, on a un très grand besoin actuellement pour toutes les, disons… les scissions qu'on a, à l'intérieur de la société, qui caractérisent cette période, non seulement au Canada, un peu partout.

Donc, je pense que la musique pourrait jouer un rôle important et donc c'est à nous, en tant que chercheurs, de trouver des manières de… déjà d'en apprendre plus vis à vis de ces relations, mais aussi de créer des outils qui peuvent avoir un impact important au niveau… au niveau sociétal.

(Fin du morceau de musique)

Animatrice :

La clé… n’est ni de sol ni de fa…

La clé est d’être mu par le désir de transformer, d’améliorer, de rendre notre monde meilleur.

M. Dalla Bella a sans doute choisi l’un des sujets de recherche les plus appropriés pour y parvenir.

Preuve en est cette citation de… non pas Johannes Brahms mais…

Bob Marley!

(Début d’un morceau de musique)

« La musique peut rendre les gens meilleurs, il suffit de la leur injecter constamment. »

*****

Ce balado est une production de la Fondation canadienne pour l’innovation.

La FCI est un organisme à but non lucratif qui verse des fonds aux universités, collèges, hôpitaux de recherche et établissements de recherche à but non lucratif du Canada, pour qu’ils investissent dans l’infrastructure de recherche.

Depuis sa création en 1997, la FCI a versé plus de 9 milliards de dollars et a ainsi contribué à plus de 12 000 projets de recherche dans toutes les disciplines.

Si vous voulez en savoir plus, consultez notre site Web : innovation point C. A.

Je m’appelle Émilie Delattre et si cet épisode vous a plu, je vous donne rendez-vous pour les prochains sur les plateformes Blubrry, Spotify, Apple podcasts, Android, Google Podcasts et le flux RSS de la FCI.

Merci d’avoir été à l’écoute. À tout bientôt!

(Fin du morceau de musique)

Voulez-vous en apprendre davantage sur Simone Dalla Bella?

Site Web de la Faculté des arts et des sciences du Département de psychologie de l’Université de Montréal (en français seulement).

Laboratoire international de recherche sur le Cerveau, la Musique et le Son (BRAMS).

Voulez-vous en apprendre davantage sur Isabelle Peretz?

Lisez également « Musique et dopamine », un entretien qu’a mené la rédactrice en chef du Magazine de l'Acfas, Johanne Lebel, avec la chercheuse (11 mars 2021).

Écoutez le très joli morceau de la Valse op.39 n°15 de Brahms interprété par The Canadian Brass (album BRAHMS ON BRASS).