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Peser le pour et le contre de la consommation de médicaments pendant la grossesse

Des épidémiologistes canadiens créent une base de données remarquable pouvant fournir les preuves indispensables de l’innocuité ou de la nocivité des médicaments, pour une femme enceinte et son bébé
Par
Sharon Oosthoek
Établissement(s)
University of Alberta
University of Manitoba
Université d'Ottawa
University of Saskatchewan
CHU Sainte-Justine
Province(s)
Québec
Sujet(s)
Épidémiologie
Femme enceinte tenant un verre d’eau dans une main et quelques comprimés dans l’autre

Plus de 75 pour cent des femmes enceintes prennent des médicaments. Nous disposons de peu d’informations concernant les risques ou les bénéfices de ces médicaments parce que les femmes enceintes sont généralement exclues des essais cliniques afin de protéger les bébés. Conséquence involontaire : les conseils fondés sur des données probantes pour aider ces femmes à décider de continuer la prise de leurs médicaments ou de commencer un nouveau traitement pendant la grossesse sont rares.

« Nous savons par exemple que certaines femmes enceintes souffrant d’épilepsie, arrêtent de prendre leurs médicaments parce qu’elles ont peur pour leur bébé », explique Anick Bérard, codirectrice du projet et chercheuse à l’Université de Montréal et au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine de Montréal.

Mais quelles sont les conséquences, pour la mère et le bébé, si une femme décide de cesser de prendre ses médicaments? Existe-t-il des solutions de rechange sûres lorsqu’elle fait ce choix?

L’union fait la force

Ce projet est le fruit d’une collaboration entre ces organismes de recherche en santé au Canada :

Un vaste ensemble de données à l’échelle du Canada permettra de fournir des réponses plus fiables

Aux côtés de Mme Bérard travaille le codirecteur du projet, Sherif Eltonsy, chercheur à l’Université du Manitoba et à l’Institut de recherche de l’hôpital pour enfants du Manitoba. Ensemble, ils mettent au point une base de données canadienne qui a déjà fourni des réponses significatives à ce type de questions. Ils disposent actuellement de données récoltées sur une période de 17 ans et sur 450 000 grossesses dans la seule province de Québec. Cela permet d’établir un lien entre la consommation de médicaments à différents stades de la grossesse et certains effets observés.

Grâce à du nouveau financement de la Fondation canadienne pour l’innovation, les chercheurs pourront maintenant créer de telles bases de données propres à quatre autres provinces, soit l’Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta. Au total, les données porteront sur plus de quatre millions de mères et d’enfants observés sur une période de 22 ans.

Les effets indésirables des médicaments se manifestent très rarement pendant la grossesse, mais comme ils peuvent se produire bien après la naissance de l’enfant, l’équipe a besoin d’un vaste ensemble de données. M. Eltonsy précise qu’à l’heure actuelle, ces données sont colligées par province.

« Il pourrait y avoir 100 femmes enceintes qui prennent un médicament particulier au Manitoba, 200 au Québec et des nombres différents dans les autres provinces, explique-t-il. En rassemblant ces données, nous pourrions constater la manifestation d’effets indésirables beaucoup plus rapidement. »

Une validation méticuleuse est nécessaire pour analyser les données

Le financement permettra également à l’équipe de recherche de s’assurer que les données sont exactes. Les registres provinciaux sont conçus pour aider les gouvernements à administrer les paiements aux médecins et aux pharmaciens. Mme Bérard et M. Eltonsy doivent donc affiner leurs données.

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La cueillette nécessite en effet de valider l’information de façon méticuleuse. Par exemple, une base de données peut révéler qu’une femme enceinte a présenté une ordonnance à la pharmacie, mais ne peut pas confirmer si la patiente a réellement pris le médicament. L’équipe validera ces renseignements. Il en va de même pour les cas enregistrés d’anomalies congénitales, qui doivent être vérifiés par recoupement avec les dossiers hospitaliers et médicaux.

Lorsqu’il sera terminé, le programme canadien de surveillance active de la cohorte mère-enfant, ou le Canadian Mother-Child Cohort Active Surveillance Program, comme on l’appelle, sera unique en son genre, non seulement pour les renseignements qu’il aura colligés pendant des décennies, mais aussi pour les données validées qu’il contiendra. « Une petite fille née en 1998 figurant dans notre base de données pourrait donner naissance à un enfant qui en ferait aussi partie », illustre Mme Bérard.

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