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Le dépistage du cancer du sein amorce une ère nouvelle

La découverte de biomarqueurs tumoraux ouvre la voie à un dépistage plus précoce de la maladie grâce à une simple analyse de sang.
Par
Julie Stauffer
Établissement(s)
Brandon University
Province(s)
Manitoba
Sujet(s)
Sciences de la santé
Dessin au trait stylisé d'un torse de femme avec une main tenant un sein, zone mise en évidence par un point de couleur plus foncé.

La première chose qui saute aux yeux en entrant dans le laboratoire de recherche en génotoxicologie de Mousumi Majumder, ce sont les murs peints en rose. Mais le plus impressionnant, ce sont les travaux de recherche révolutionnaires qui s’y déroulent.

Biologiste spécialiste du cancer et titulaire d’une chaire de recherche du Canada en génotoxicologie à l’Université de Brandon, au Manitoba, Mousumi Majumder et son équipe ont récemment découvert un moyen de dépister le cancer du sein fondé sur la présence de biomarqueurs tumoraux dans le sang. « C’est le Graal de la recherche sur le cancer : découvrir un biomarqueur », affirme-t-elle.

À l’heure actuelle, la mammographie constitue la référence standard en matière de dépistage du cancer du sein, car elle permet de détecter efficacement les tumeurs avant que celles-ci ne soient perceptibles au toucher. Mais la mammographie a ses limites : elle ne détecte pas tous les types de cancer. De plus, le processus de dépistage requiert de faibles doses de radiations et peut être source d’inconfort. En outre, comme la mammographie est moins efficace chez les jeunes femmes, les programmes de dépistage du cancer du sein en place dans la plupart des régions du Canada ne sont proposés qu’aux femmes de plus de 50 ans.

Ne serait-ce pas formidable qu’une simple analyse de sang puisse remplacer la mammographie, et ce, indépendamment de l’âge de la patiente? La méthode de dépistage révolutionnaire développée par Mousumi Majumder ouvre la voie à cette éventualité. Cela pourrait changer la donne pour les femmes qui recevront un diagnostic de cancer du sein au cours de leur vie, soit une femme sur neuf.

Cibler les signes avant-coureurs parmi les molécules qui témoignent de la présence de tumeurs

Pour trouver les biomarqueurs correspondants au cancer du sein, l’équipe de Mousumi Majumder s’est penchée sur les micro-ARN (ou miARN), de courts brins d’ARN qui contribuent à la régulation de l’expression des gènes. Parmi les centaines de micro-ARN différents présents chez l’être humain, la chercheuse et son équipe en ont ciblé deux bien précis, le miR526b et le miR655, dont la concentration est élevée dans les tumeurs du cancer du sein et leur microenvironnement.

Il s’agit là d’une grande découverte. Toutefois, la véritable avancée scientifique s’est produite lorsque la chercheuse a démontré qu’il était possible de déceler des quantités mesurables dans les échantillons de sang des patientes et, surtout, de détecter les micro-ARN alors que les tumeurs n’en étaient encore qu’au premier stade du cancer du sein, contribuant à favoriser un traitement plus précoce et un meilleur pronostic.

En tant que survivante du cancer du sein, Sharon Young sait à quel point cette découverte est précieuse. Aujourd’hui, en plus de collaborer régulièrement avec Mousumi Majumder en vue de sensibiliser la population au cancer du sein, cette résidente de Brandon siège au conseil d’administration du Réseau canadien du cancer du sein, un groupe de défense des intérêts des patientes et patients et d’initiatives pédagogiques. « Le dépistage précoce du cancer du sein est un facteur essentiel à la survie, et le fait de pouvoir réaliser ce type de dépistage avant même que la tumeur n’apparaisse est extrêmement prometteur », déclare-t-elle.

La mammographie permet de dépister environ 90 pour cent des tumeurs du cancer du sein, contre près de 80 pour cent grâce aux analyses de sang proposées par Mousumi Majumder. Cependant, les programmes de dépistage conventionnels excluent les jeunes femmes. L’analyse sanguine constitue donc une alternative intéressante en vue du dépistage précoce du cancer du sein. En outre, Sharon Young estime que davantage de femmes choisiraient de se livrer à un dépistage s’il s’agissait d’un prélèvement sanguin rapide plutôt que d’une mammographie. « C’est, selon moi, une démarche beaucoup plus simple », dit-elle.

Si les essais cliniques confirment les résultats obtenus au laboratoire de Mousumi Majumder, les femmes pourraient se prévaloir de cette option d’ici à peine quelques années.

Suivre le succès des traitements et établir de nouvelles cibles

Les micro-ARN pourraient non seulement servir de biomarqueurs dans le dépistage du cancer du sein, mais aussi permettre de mesurer l’efficacité de médicaments. En effet, selon le type de cancer du sein, les tumeurs réagissent différemment aux divers traitements. En assurant le suivi régulier des concentrations en micro-ARN dans les échantillons de sang des patientes, le personnel clinique pourrait cibler les médicaments qui sont efficaces ainsi que ceux qui se révèlent plus néfastes que bénéfiques.

Or, ces molécules ne font-elles qu’indiquer la présence d’un cancer ou contribuent-elles également à sa propagation? Pour répondre à ces questions, l’équipe de Mousumi Majumder a cultivé des cellules tumorales cancéreuses dans un milieu liquide. Après quelques jours, les cellules avaient sécrété des micro-ARN dans cet environnement.

Lorsque l’équipe de recherche a exposé des cellules normales au liquide, celles-ci ont commencé à former des métastases. Cette observation permet de conclure que les deux micro-ARN favorisent en fait la propagation du cancer en modifiant le microenvironnement autour de la tumeur, ce qui permet d’établir de nouvelles cibles par rapport à la conception d’éventuels traitements contre le cancer du sein.

Accroître la capacité de recherche

Selon Mousumi Majumder, le financement de la FCI a été essentiel à la réussite de ses activités de recherche. Tout d’abord, il a permis de transformer une pièce inachevée du sous-sol de l’Université de Brandon en un laboratoire de pointe de près de 93 mètres carrés, qui a ouvert officiellement ses portes en octobre 2023.

Des photographes immortalisent le moment de la cérémonie d’inauguration du laboratoire où Mousumi Majumder coupe le ruban à l’aide d’une géante paire de ciseaux.

Entre-temps, un équipement de dépistage à haut débit et un poste informatique de calcul de haute performance ont considérablement accru la capacité de recherche du laboratoire et permis de produire des données de meilleure qualité, ce qui a ouvert la voie à des publications dans les principales revues spécialisées.

Grâce à un espace plus grand et à un équipement de pointe, Mousumi Majumder a également pu doubler la taille de son équipe. Elle compte aujourd’hui 20 stagiaires qui se passionnent pour ce projet de dépistage du cancer du sein. « Leur enthousiasme est palpable, déclare-t-elle. Peu importe le jour de la semaine ou que ce soit un jour férié, il y a toujours quelqu’un au laboratoire. »

Selon Sharon Young, cet enthousiasme s’explique en grande partie par la faculté de Mousumi Majumder à humaniser la recherche sur le cancer du sein. « Elle tient à ce que ses stagiaires comprennent que ces travaux touchent de vraies personnes », explique-t-elle.

Et cette touche personnelle dépasse le cadre du laboratoire. En effet, Mousumi Majumder participe régulièrement à des collectes de fonds, donne des présentations dans des écoles secondaires et plaide en faveur de l’augmentation du financement alloué à la recherche. « Ce travail de proximité m’apparaît très important pour nouer des liens entre le laboratoire, l’université et la collectivité, explique Sharon Young. Nous avons besoin de plus de personnes comme elle. »

Portrait de Mousumi Majumber dans son laboratoire de recherche

« Aujourd’hui, nous disposons d’une installation exceptionnelle dotée de logiciels d’analyse à haut débit... Et cette infrastructure contribue à nous propulser sur le devant de la scène. »

— Mousumi Majumder, Université de Brandon