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Un guide sur la santé mentale à l’intention des athlètes encore aux études

La spécialiste en psychologie du sport, Katherine Tamminen, aide les athlètes de niveau compétitif à s’épanouir maintenant et pour longtemps après avoir raccroché leur maillot.
Établissement(s)
Université de Toronto
Province(s)
Ontario
Sujet(s)
Sciences de la santé
Santé mentale

En tant qu’entraîneur-chef de l’équipe masculine de volleyball Varsity Blues de l’Université de Toronto, John Barrett est conscient que le sport procure aux jeunes athlètes beaucoup plus que des bienfaits sur le plan physique. Il favorise la discipline et la persévérance, de même que l’esprit d’équipe et les aptitudes en leadership. Il leur insuffle un sentiment d’accomplissement et leur apprend à faire face à l’adversité, tant sur le terrain que dans la vie de tous les jours.

« Au fond, mon travail consiste à faire de ces garçons des hommes au moyen du sport », explique celui qui a été désigné deux fois entraîneur de l’année par l’association « Sport universitaire de l’Ontario ».

Toutefois, il est également conscient des effets néfastes que le sport peut avoir sur la santé mentale des athlètes, en particulier chez les adolescentes et adolescents qui participent à des compétitions de haut niveau.

Ces jeunes jonglent avec leurs études et des horaires d’entraînement et de déplacement épuisants laissant peu de place à une vie sociale. En plus de faire face aux attentes des parents et à celles de leur entraîneur ou entraîneuse, ces jeunes doivent composer avec la pression qui va de pair avec la volonté d’impressionner les agences de recrutement sportif afin d’accéder aux rangs professionnels. Et c’est sans compter tous les facteurs de stress habituels propres à l’adolescence en ce XXIe siècle, des réseaux sociaux à la menace existentielle que représentent les changements climatiques.

L’enjeu est de taille. Une étude récente (en anglais seulement) a révélé que 41 pour cent des athlètes olympiques et paralympiques au Canada présentaient au moins un trouble de santé mentale. Alors, que peuvent faire les personnes chargées de leur entraînement, comme John Barrett, ainsi que les parents et les autres membres d’une équipe, afin d’aider les jeunes athlètes à profiter des bienfaits du sport tout en évitant les écueils?

C’est une des questions à laquelle Katherine Tamminen souhaite répondre. En tant que directrice du Laboratoire de psychologie du sport et de la performance (en anglais seulement) de l’Université de Toronto, la professeure de psychologie du sport et psychothérapeute agréée examine différents aspects de la santé mentale chez les athlètes, en particulier pendant l’adolescence.

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Investir dans la santé mentale des jeunes athlètes : un très bon coup

Au Canada, près de 70 pour cent des jeunes de 5 à 15 ans font du sport. Aussi ce secteur d’activité pèse-t-il 8,7 milliards de dollars dans notre économie (en anglais seulement). En fournissant aux parents, aux entraîneurs et aux entraîneuses des outils de soutien en matière de santé mentale, Katherine Tamminen aide les jeunes à tirer le meilleur parti de cette expérience.

Examiner le pouvoir du soutien interpersonnel

Katherine Tamminen s’est notamment penchée sur le retour à la maison après une partie ou une séance d’entraînement. Elle souligne que ce trajet peut constituer une occasion privilégiée de faire le point sur l’expérience de l’athlète et, pour les parents, de fournir une rétroaction positive. Mais c’est aussi un moment qui permet aux enfants d’apprendre à se calmer sur le plan émotionnel de même qu’à s’autoanalyser.

Grâce à l’équipement financé par la FCI, la chercheuse a pu aller au-delà des méthodes de recherche traditionnelles fondées sur des questionnaires et des entretiens approfondis, en installant des caméras GoPro dans les voitures des participantes et participants pour filmer de véritables conversations.

Bien que cette approche « sur le vif » présente certaines limites, les sujets étant au courant de la présence de caméras, elle permet de capter des interactions plus ouvertes et plus naturelles, des comportements non verbaux de même que le ton de la voix. Cette information permet de mieux comprendre la manière dont les parents pourraient mieux soutenir les jeunes athlètes.

Cette approche consiste notamment à tenir compte des conversations qui ne sont pas liées au sport afin de mettre les choses en perspectives et à donner des commentaires positifs pour compenser l’autocritique. Il s’agit également de poser des questions plus ouvertes et de donner aux jeunes le temps de réfléchir à leur expérience, ce qui favorise le développement d’habiletés en matière de régulation émotionnelle.

Les jeunes athlètes sont encore en train de développer ces habiletés, ce qui, selon Katherine Tamminen, « leur sera utile dans le sport, mais aussi dans la vie de tous les jours et à l’âge adulte ».

Parallèlement, pour déterminer dans quelle mesure les athlètes entre eux exercent une influence sur les émotions ressenties des autres membres de leur équipe, la chercheuse a réuni des jeunes dans une salle munie de caméras, les branchant à des moniteurs de fréquence cardiaque afin d’observer de quelle manière, saine ou malsaine, ils abordaient les facteurs de stress les concernant lors d’une discussion.

On a fréquemment observé une forme de rumination sociale, notamment lorsque les athlètes se plaignaient au sujet de problématiques communes. Ce comportement est sain jusqu’à un certain point. En effet, parler d’un entraîneur ou d’une entraîneuse excessivement critique ou de la nervosité ressentie avant une compétition permet de valider les expériences individuelles et de renforcer les liens au sein de l’équipe, explique Katherine Tamminen. Mais un déballage effréné peut risquer de plonger les athlètes dans un tourbillon de pensées négatives.

« Chaque individu ne vit pas le stress, les défis et les inquiétudes en vase clos, explique-t-elle. D’autres personnes contribuent à ces expériences de manière positive ou négative. »

L’enjeu, à mon avis, est de permettre à la génération qui grandit de devenir les personnes les meilleures et les plus équilibrées qui soient. »

– John Barrett, entraîneur-chef de l’équipe masculine de volleyball, Université de Toronto

Concevoir des outils à faible coût dans le domaine de la santé mentale

Tout compte fait,, Katherine Tamminen et son équipe souhaitent utiliser leurs données pour orienter les meilleures pratiques en vue de créer des milieux sportifs sûrs et sains sur le plan psychologique. L’équipe de recherche prévoit notamment élaborer une série de stratégies à faible coût fondées sur des données probantes afin d’aider les athlètes, les entraîneurs et entraîneuses, les clubs et les parents à gérer le stress.

Selon la chercheuse, le soutien de la FCI a joué un rôle crucial dans l’avancement de ses travaux de recherche. « Je ne sais pas comment j’aurais pu faire toutes ces recherches sans ce financement », dit-elle. Parallèlement, les projets financés par la FCI ont débouché sur d’autres occasions de recherche passionnantes.

Il y a peu, le laboratoire a en effet reçu des fonds de l’Institut de la science du sport Tanenbaum (en anglais seulement) afin de piloter un programme qui permettra d’intégrer des spécialistes de la santé mentale au sein d’organisations sportives de haut niveau pour les jeunes, et ce, afin de communiquer des renseignements aux athlètes et à leurs parents.

Aider les jeunes athlètes à devenir des adultes solides

John Barrett accueille avec enthousiasme toutes les idées que Katherine Tamminen peut lui soumettre. Selon lui, il est essentiel de continuer à apprendre pour pouvoir aider les athlètes à s’épanouir dans un milieu en constante évolution et à devenir des leaders solides.

Comme il le dit à son équipe au début de chaque saison, les choses se passent rarement comme on l’avait prévu, dans la vie comme sur le terrain. « En fait, le plus important n’est pas ce qui arrive, mais plutôt la manière dont nous réagissons à ces événements », affirme-t-il.

Et c’est là qu’avoir une bonne boîte à outils émotionnelle peut tout changer.

Portrait de Katherine Tamminen

Je ne sais pas comment j’aurais pu faire toutes ces recherches sans ce financement [de la FCI]. Grâce à ce soutien, j’ai pu mener mes travaux, mais aussi nouer des partenariats de recherche et des collaborations avec divers établissements.»

– Katherine Tamminen, Université de Toronto


Le projet de recherche présenté dans cet article est également financé par le Conseil de recherches en sciences humaines et Sport Canada.