Le Canada ne dispose pas d’une main-d’œuvre suffisante dans le secteur de la construction pour faire face à la crise du logement nationale. Cette pénurie de main-d’œuvre ralentit les projets et fait grimper les coûts. Or, la situation va empirer puisque 245 100 travailleurs et travailleuses du secteur devraient partir à la retraite au cours de la prochaine décennie , et ce, alors que moins de jeunes sont prêts à les remplacer et que de plus en plus de personnes sont à la recherche d’un logement.
« Il n’y a tout simplement pas assez de bras pour faire le travail », explique l’entrepreneur Craig Buntin. Il a donc fondé Rise afin de développer des solutions d’intelligence artificielle et de robotique destinées au secteur de la construction. « Notre objectif : qu’une seule personne soit en mesure d’accomplir le travail de dix. »
Pour concrétiser cette vision, Craig Buntin s’est associé à Yi Shao, professeur adjoint de génie civil à l’Université McGill. Yi Shao conçoit des machines qui effectuent des tâches d’assemblage fastidieuses et gourmandes en main-d’œuvre : installation de façades de bâtiments, construction d’ossatures et de charpentes de maisons ou assemblage de cages d’armatures qui renforcent le béton.
Ces robots à intelligence artificielle doivent répondre à des exigences extrêmement rigoureuses. Il leur faut être mobiles pour se déplacer d’un endroit à un autre afin de rassembler et d’installer des matériaux. Autrement dit, ils doivent pouvoir évoluer sur des chantiers de construction complexes, chacun ayant ses particularités.
De plus, ces robots doivent être capables de s’adapter aux variations des matériaux, qu’il s’agisse de différents types de barres d’armature ou de planches de 2 x 4 légèrement plus longues ou plus courtes, selon la personne qui utilise la scie circulaire ce jour-là.
Ils doivent aussi être suffisamment légers pour se déployer facilement sur un chantier, être très sensibles et d’une grande précision pour saisir les matériaux et les mettre en place, « l’une des tâches les plus difficiles à effectuer dans le domaine de la robotique », précise Yi Shao. Et, bien sûr, leur coût doit être abordable.
Propulser la révolution robotique
Jusqu’à présent, Yi Shao et son équipe composée de près de 20 étudiantes et étudiants de premier cycle, doctorantes, doctorants, postdoctorantes et postdoctorants ont fait des progrès impressionnants pour satisfaire à tous ces critères. Dans un coin de son laboratoire (en anglais seulement), un bras robotisé prélève méthodiquement des barres d’armature entassées au sol, les oriente dans la bonne direction, puis les insère dans un cadre prêt à les recevoir, et ce, avec une précision supérieure à 95 pour cent. Plus loin, un deuxième bras installe des façades.
Le financement de la FCI est essentiel pour mener ces travaux de recherche, explique Yi Shao. Le chercheur peut ainsi acquérir des bras robotisés légers, dotés de capteurs de force et d’une vision par ordinateur, ainsi que des chariots qui permettent aux bras de se déplacer. « Certes, certaines équipes de recherche tentent d’automatiser la construction. Je crois toutefois que notre laboratoire adopte une approche unique en misant sur la mobilité, l’intelligence, la légèreté et un coût abordable », explique-t-il.
Yi Shao prévoit qu’un premier prototype pourrait être déployé sur des chantiers de construction d’ici deux ans. Tester les robots dans des conditions réelles permettra à son équipe de recherche de recueillir des données et d’apporter des améliorations, puis, à terme, de transférer ces connaissances à d’autres tâches du domaine de la construction.
C’est pourquoi les partenariats sont essentiels. Selon Yi Shao, « les laboratoires de recherche doivent collaborer avec le secteur privé. Nous voulons des commentaires concrets qui viennent du terrain et connaître les véritables difficultés sur place. »
De son côté, Craig Buntin se montre très enthousiaste quant au potentiel commercial de cette technologie. « Nous sommes convaincus que la robotique et l’intelligence artificielle nous fourniront des outils avec lesquels nous pourrons construire des maisons plus rapidement et à moindre coût, affirme-t-il. Il s’agit de la prochaine révolution industrielle. »
Le projet de recherche présenté dans cet article est également financé par Mitacs et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.