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Comprendre pourquoi le consommateur achète un produit ou y renonce

Nos choix de magasinage ne sont pas toujours rationnels. Ils prennent racine dans les émotions, que ce soit l’envie ou l’estime de soi. Un laboratoire de la University of British Columbia examine de plus près le comportement des consommateurs.
Par
Jennifer D. Foster
Établissement(s)
The University of British Columbia
Province(s)
Colombie-Britannique
Sujet(s)
Commerce
Un groupe de mannequins dans une vitrine.

Pendant la période des Fêtes, si vous éprouvez de la frustration au cœur d’un centre commercial bondé, ce n’est probablement pas uniquement en raison du grand nombre de personnes – bien vivantes – qui y fourmillent, transformant votre expérience de magasinage en une déplaisante réalité. Les êtres inanimés installés dans les vitrines ‒ les mannequins ‒ peuvent aussi contribuer à votre trouble. Selon une étude récente, ce phénomène touche particulièrement les personnes qui ont une faible estime d’elles-mêmes. Il ne s’agit là que d’un des exemples révélés par les travaux de Darren Dahl de la University of British Columbia sur ce qui influence le choix des consommateurs et leur réaction au milieu qui les entoure.

Darren Dahl, spécialiste du comportement des consommateurs, est coauteur d’un article publié cette année dans le « Journal of Consumer Research ». Ainsi, les chercheurs ont découvert que les hommes comme les femmes ayant une faible estime d’eux-mêmessont plus susceptibles que les autres de réagir négativement aux vêtements portés par les mannequins. L’enjeu réside dans l’idéal de beauté que représentent ces poupées grandeur nature : lorsqu’un consommateur sent qu’il n’est pas à la hauteur de cet idéal, son appréciation du produit diminue.

« Les mannequins établissent une norme de beauté générale qui entraine une réaction chez les personnes ayant une faible estime d’elles-mêmes », affirme M. Dahl, vice-doyen principal de la Sauder School of Business de la University of British Columbia et professeur en markéting et science de l’étude du comportement. « Les sentiments négatifs qui en découlent se traduisent par une expérience de magasinage moins productive et moins plaisante dans son ensemble. » 

Comme l’industrie mondiale du vêtement est estimée à plus de trois-trillions de dollars, ces sentiments risquent d’avoir des répercussions importantes pour les détaillants et les consommateurs. M. Dahl propose que les boutiques utilisent plutôt des demi-mannequins : ils sont moins chers et représentent une moindre menace pour les consommateurs puisqu’ils ne reflètent pas un idéal de perfection sociale.

Reproduire un centre commercial pour déterminer ce qui pousse les acheteurs à adopter un comportement plutôt qu’un autre

Nourris par une fascination pour le comportement humain qui s’exerce depuis des dizaines d’années, les travaux de recherche menés par M. Dahl ont notamment révélé certaines indications sur la manière dont le consommateur fait des choix et réagit à son milieu.

« Les  consommateurs ne sont pas rationnels, explique le chercheur. Il est toujours amusant de tenter de comprendre ce qui pousse les gens à prendre une décision plutôt qu’une autre. »  

M. Dahl et son équipe de recherche possèdent l’équipement nécessaire pour répondre à ces questions au Marketing and Behavioural Science Lab de la Sauder School of Business, où des études sont menées sur tous les aspects de la consommation, de l’utilisation inattendue de produits jusqu’à la publicité et aux attitudes à l’égard du commerce équitable. Le laboratoire est doté de miroirs unilatéraux, de tableaux blancs branchés à des ordinateurs et de  caméras d’observation pour suivre les sujets de l’expérience. Grâce à plusieurs petites salles munies de meubles amovibles, les chercheurs peuvent reproduire des lieux d’achat vraisemblables, comme de faux commerces, et y créer des situations particulières tout en filmant la réaction des participants.  

La concurrence entre voisins

Dans une autre étude récente, l’équipe de Darren Dahl s’est penchée sur la manière dont l’envie peut modifier le désir d’achat d’une personne. En effet, on a découvert que le comportement des participants souhaitant obtenir ce qu’un autre possédait ‒ comme des billets pour une partie de hockey, un surclassement pour un vol en première classe ou un stage dans une maison de mode ‒ variait en partie selon que ceux-ci estimaient ou non mériter également ce produit.  

« Les personnes ayant une bonne estime d’elles-mêmesachetaient un produit ou un service lorsqu’elles étaient envieuses. À l’inverse, les personnes moins confiantes étaient plus enclines à rejeter le produit ou le service après avoir éprouvé ce sentiment », affirme le chercheur.  

M. Dahl explique que ces derniers, s’estimant indignes d’une telle marque, sentaient leur égo menacé. En s’abstenant d’acheter ce produit, ils se sentaient donc mieux dans leur peau. « L’envie est une émotion qui survient au moment de faire un achat et intervient dans de nombreuses situations de consommation. C’est ce que l’on appelle “faire concurrence aux voisins”. Les  spécialistes en markéting veulent que les consommateurs ressentent de l’envie et souhaitent alors se procurer la même chose que les autres », souligne le chercheur.  

« Il s’agit toutefois d’une épée à double tranchant pour les consommateurs et les spécialistes en markéting, » précise-t-il. Si ces derniers ont recours à des tactiques liées à l’envie pour vendre des produits, ils doivent tenir compte de la valeur propre à chaque personne au risque de se retrouver avec des consommateurs aigris qui ne se reconnaissent plus dans un produit et ne l’achètent plus, ce qui pourrait éventuellement nuire à la relation établie entre la marque et le client. 

Des connaissances essentielles sur tous les aspects de la consommation, du bonheur à la viabilité 

C’est ce type de connaissances qui ont permis à M. Dahl de devenir un chef de file dans l’étude du comportement du consommateur.

David Hardisty, directeur du Marketing and Behavioural Science Lab et professeur adjoint en markéting et science de l’étude du comportement à la University of British Columbia, affirme que M. Dahl et les autres chercheurs du laboratoire « approfondissent leurs connaissances sur le choix des consommateurs et comment il est possible d’aider ces derniers à faire de meilleurs choix ». Il estime que depuis l’ouverture du laboratoire en 2013, 270 études ont été menées sur le site et des centaines d’autres, en ligne. Il ajoute que ces renseignements ont une incidence sur tous les aspects de la consommation ‒ le bonheur, l’obésité, les dépenses et l’épargne, la viabilité et la créativité ‒ et que leur utilité ne concerne pas uniquement les détaillants cherchant à influencer les acheteurs, mais également les gouvernements et les organismes à but non lucratif qui souhaitent amener les gens à faire certains choix.

« D’abord et avant tout, souligne Darren Dahl, nous redonnons le pouvoir aux consommateurs afin qu’ils puissent comprendre les techniques de markéting utilisées pour les manipuler. » Surtout, les études réalisées renseignent les acheteurs « sur les motifs susceptibles d’expliquer leur comportement au moment de faire un achat, un savoir qui peut les aider à devenir des consommateurs mieux informés. »