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La recherche est un sport de contact

Dans un monde où les plus grands défis de l’humanité s’opèrent à une échelle internationale, il est plus que jamais nécessaire de faire de la…

Dans un monde où les plus grands défis de l’humanité s’opèrent à une échelle internationale, il est plus que jamais nécessaire de faire de la recherche un « sport de contact ». Quand les chercheurs font équipe pour énoncer de nouvelles idées et s’attaquer à des enjeux fondamentaux tels que la sécurité alimentaire, les énergies durables et les changements climatiques, ils sont mieux outillés pour atteindre leur objectif qui consiste à formuler des hypothèses, à réaliser des découvertes et à trouver des solutions. En mettant en commun leurs ressources, idées et connaissances, les scientifiques peuvent faire progresser plus efficacement la recherche qui répond aux besoins de la société et, du même coup, favoriser des innovations propices au développement économique.

Après des décennies d’investissements soutenus dans nos établissements de recherche, le Canada possède aujourd’hui le talent, le savoir-faire et l’infrastructure de pointe pour attirer des collaborations de recherche internationales qui contribuent grandement à relever ces défis mondiaux. De fait, ces collaborations figurent peut-être parmi les moyens les plus efficaces pour stimuler l’innovation et maintenir la croissance économique.  

Prenons, par exemple, l’enjeu de la sécurité alimentaire. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, le poisson est la principale source de protéine d’environ un milliard de personnes qui vivent, pour la plupart, dans des pays en développement. À l’échelle mondiale, on a doublé la production de fruits de mer depuis le milieu des années 1990 pour répondre à la demande. Il est donc primordial de localiser précisément les espèces marines afin de déterminer comment continuer à satisfaire la demande de manière durable.

Pour répondre à ce besoin, les chercheurs de la Dalhousie University à Halifax ont créé l’Ocean Tracking Network, une plateforme de recherche mondiale qui suit les déplacements des animaux aquatiques et surveille leurs habitats dans le but de favoriser la conservation et l’utilisation durable des océans à la grandeur de la planète.

Sur la côte Ouest du Canada, le plancher océanique est tapissé des câbles et capteurs de haute technologie de l’Ocean Networks Canada, un autre système d’observation des océans établi à la University of Victoria qui fournit aux chercheurs du monde entier des images en direct et des données détaillées provenant du fond de la mer. Ces deux ambitieux projets de recherche sont des pôles de collaboration où les chercheurs nationaux et internationaux mettent en commun idées, renseignements, découvertes – et technologies.

Complexes sur le plan technologique, ces projets requièrent des compétences techniques avancées. De nombreuses collaborations se sont développées entre les chercheurs, qui ont besoin d’équipements évolués, et les sociétés d’ingénierie technologique, qui possèdent le savoir-faire nécessaire pour leur fournir ces équipements. L’un des objectifs de l’Ocean Tracking Network est de stimuler l’innovation technologique liée aux systèmes de télémesure marine et de diffuser ces avancées à la communauté scientifique mondiale. Le réseau s’est associé à des entreprises pour mettre au point des appareils de télémesure plus petits et plus puissants. Les sociétés tirent profit d’une collaboration avec des équipes de recherche nationales et internationales et vendent ensuite leurs produits améliorés partout dans le monde.  

L’Ocean Networks Canada a lui aussi placé l’innovation au cœur de sa mission fondamentale. Dans son centre d’innovation, les chercheurs et ingénieurs améliorent constamment les capteurs câblés et les systèmes d’observation marine mis au point pour le réseau. Ces innovations se traduisent ensuite en occasions d’affaires mondiales. Le centre met en lien les clients commerciaux et les équipes scientifiques et techniques afin d’installer et de mettre à l’essai des systèmes analogues dans d’autres régions pour la gestion des ressources et les alertes en cas de catastrophes naturelles. On prévoit que le marché mondial de tels systèmes atteindra six milliards de dollars dans les prochaines années.  

Le prochain grand défi mondial qui attend les chercheurs canadiens consistera à déterminer comment on peut explorer et exploiter en toute sécurité les abondantes ressources naturelles de l’Arctique sans compromettre cet écosystème fragile.  

Le Churchill Marine Observatory qui sera bientôt construit à l’Université du Manitoba comprendra deux immenses bassins d’eau salée où on pourra simuler les déversements d’hydrocarbures dans la glace de mer afin d’étudier leurs effets sur les milieux marins. Beaucoup des technologies requises viennent tout juste d’être inventées. L’installation, une fois terminée, sera un lieu de rencontre pour les chercheurs du monde entier et une pépinière d’innovation.  

Dans un monde où les défis mondiaux exigent une collaboration internationale, les chercheurs qui voient leur travail comme un sport de contact seront en bonne posture pour trouver des solutions qui auront non seulement des retombées pour la société, mais seront aussi avantageuses sur le plan économique. Et les chercheurs canadiens saisissent déjà ces occasions.

Gilles G. Patry est président-directeur général de la Fondation canadienne pour l’innovation, le seul organisme doté du mandat d’investir dans l’infrastructure de recherche de pointe.