Un changement de paradigme pour renforcer l’écosystème canadien en matière d’infrastructures scientifiques et de recherche
Les infrastructures de recherche sont l’épine dorsale de notre écosystème scientifique et de recherche. Ils constituent des atouts essentiels qui stimulent la collaboration scientifique, l’innovation et les progrès technologiques, améliorent la sécurité publique et la sécurité nationale, attirent des talents de calibre mondial et forment la prochaine génération de scientifiques. Des décennies d’investissements dans des laboratoires, des installations et de l’équipement spécialisé à la fine pointe de la technologie au Canada ont donné aux scientifiques de ce pays les outils dont ils ont besoin pour faire des découvertes révolutionnaires et innover dans des domaines qui aident à protéger les intérêts nationaux du pays et à assurer sa prospérité économique.
Au Canada, les infrastructures de recherche sont soutenues par un certain nombre d’organisations œuvrant dans les secteurs gouvernemental, universitaire et industriel. Alors, qui sont les joueurs?
La Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) finance les infrastructures de recherche des institutions académiques et des établissements sans but lucratif, en partenariat avec les provinces. Laboratoires Canada de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) transforme les laboratoires fédéraux en un réseau national moderne, collaboratif, numérique et durable de centres scientifiques.
Ils travaillent avec d’autres organismes de financement et partenaires de prestation clés, notamment Services partagés Canada (SPC), le Conseil national de recherches du Canada (CNRC), Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE), les trois organismes subventionnaires de la recherche au Canada, et l’Alliance de recherche numérique du Canada.
Depuis 2018, le gouvernement du Canada a fait des investissements à grande échelle dans les infrastructures de recherche, numériques et technologiques. Parmi ceux-ci, il a investi 3,7 milliards de dollars dans Laboratoires Canada et 1 milliard de dollars dans le CNRC pour moderniser et revitaliser les laboratoires fédéraux. De plus, il a investi dans le renforcement de la capacité de recherche des universités, des collèges et des hôpitaux de recherche par l’intermédiaire de la FCI – le gouvernement du Canada s’étant engagé à verser plus de 3,3 milliards de dollars, tandis que ses partenaires, y compris les provinces, se sont engagé à investir environ 4 milliards de dollars.
Étant donné que chaque organisation a son propre mandat et ses propres priorités, il y a trop souvent un manque de coordination dans l’ensemble de l’écosystème qui limite la capacité du Canada à tirer pleinement parti des investissements et à maximiser les répercussions scientifiques et socioéconomiques, comme l’a souligné le rapport de 2023 du Comité consultatif sur le Système fédéral de soutien à la recherche.
Pour remédier à la fragmentation, il faut changer la façon dont le Canada envisage, planifie, finance et gère son infrastructure de recherche. Il s’agit notamment de favoriser les collaborations intersectorielles et les co-investissements dans l’infrastructure de recherche et d’explorer l’idée d’une stratégie nationale cohérente en matière d’infrastructure afin de garantir que nous disposons d’un écosystème bien intégré et prêt pour l’avenir.
Les infrastructures de recherche sont essentielles pour permettre les activités scientifiques nécessaires pour relever les grands défis de la société, tels que les changements climatiques, les pandémies, l’évolution rapide des technologies et l’évolution des menaces à la sécurité. Cependant, ces défis complexes nécessitent également une collaboration entre les disciplines et les secteurs. Cette collaboration intersectorielle est particulièrement essentielle pour accélérer l’innovation, soutenir la commercialisation et générer des percées dans des domaines à forte incidence et en évolution rapide, tels que les technologies quantiques, les technologies de défense et l’intelligence artificielle (IA).
Un exemple de cette approche collaborative est l’installation de recherche sur les matériaux de pointe TerraCanada de Laboratoires Canada, située dans le parc scientifique Sheridan, à Mississauga, en Ontario. Cette installation rassemble des scientifiques fédéraux du CNRC et de Ressources naturelles Canada, ainsi que des collaborateurs de l’industrie et des partenaires universitaires, comme l’Université de Toronto et l’Université de Waterloo. Elle héberge des équipements des deux universités et utilise la robotique fondée sur l’IA pour accélérer la découverte de nouveaux minéraux et matériaux et de nouvelles structures. L’installation est également membre du Centre germano-canadien de développement accéléré des matériaux, qui tire parti des capacités de recherche et d’infrastructures à l’échelle internationale.
Les grandes installations de recherche (GIR) du Canada sont également des centres de collaboration intersectorielle et un autre modèle sur lequel s’appuyer. Soutenues par le financement de la FCI, ces installations complexes et de grande envergure offrent un rendement scientifique de haut niveau à l’échelle internationale et sont bien positionnées pour soutenir les priorités scientifiques et économiques stratégiques du pays.
Prenons l’exemple d’Ocean Networks Canada (ONC). Cet organisme s’appuie sur des partenariats pour remplir son mandat de faire progresser la science, les solutions climatiques, la sécurité maritime et la résilience des communautés côtières grâce à son vaste réseau d’observatoires océaniques. En travaillant dans tous les secteurs, il peut pivoter pour répondre aux priorités stratégiques, comme la volonté actuelle de développer la capacité de défense du Canada. Sa collaboration de longue date avec le secteur des technologies océaniques, par exemple, a permis à ONC de travailler avec le secteur privé pour développer des systèmes de capteurs installés sur les câbles sous-marins, les amarres et les véhicules autonomes qui sont essentiels à la fois pour l’observation scientifique et la surveillance de la sécurité.
La planification, la construction, l’exploitation et l’entretien à long terme de ces types d’infrastructures de recherche nécessitent des ressources considérables et, dans plusieurs cas, dépassent la capacité de financement d’un seul organisme. En période de restrictions budgétaires, les co-investissements entre les institutions et dans tous les secteurs de la société sont essentiels. Ils constituent une approche efficace pour améliorer l’efficience du financement et réduire au minimum la duplication des ressources et des activités. Pour assurer la réussite de ces partenariats, il est important de créer un environnement où les partenaires intersectoriels ont le soutien nécessaire pour maintenir des collaborations durables et pertinentes.
La France, le Royaume-Uni, d’autres pays du G7 et l’Union européenne ont favorisé cet environnement au moyen de stratégies d’infrastructure de recherche et de feuilles de route qui établissent les priorités et soutiennent la coopération public-privé. Le rapport du comité consultatif a également abordé la nécessité d’un tel type de « vision commune » pour l’écosystème canadien de la science, de la recherche et de l’innovation afin d’« orienter les différents acteurs dans la même direction ». Pour que le Canada devienne le centre mondial de la science et de l’innovation auquel il aspire, il doit se doter d’une stratégie cohérente à long terme qui encourage la collaboration et harmonise les priorités, le financement et la planification de l’infrastructure de recherche.
En tant qu’acteurs clés , la FCI et Laboratoires Canada sont déterminés à travailler avec leurs partenaires pour renforcer l’écosystème en matière d’infrastructures scientifiques et de recherche du Canada. Pour maximiser la valeur des investissements du Canada, une stratégie nationale d’infrastructures de recherche peut transformer la façon dont le gouvernement réalise ses activités scientifiques et favorise les co-investissements, le partage des ressources et la collaboration intersectorielle. En concentrant et en amplifiant nos forces au moyen d’une collaboration intentionnelle, planifiée et stratégique, nous accélérerons la recherche et l’innovation et placerons le Canada en position de devenir l’une des économies les plus fortes du G7.
| Sylvain Charbonneau Président-directeur général Fondation canadienne pour l’innovation | Duncan Retson Sous-ministre adjoint Laboratoires Canada, Services publics et Approvisionnement Canada |
Cet article a d’abord été publié dans le magazine Politique scientifique Canadienne le 19 novembre 2025.